samedi 28 avril 2012

La régle du Jeu - Jean Renoir

Nous l'avions vu à plusieurs reprises par le biais d'un support DVD, mais rien ne vaut le visionnage sur le grand écran d'une salle de cinéma. Nous ne pouvons résister à cette "lapalissade", pour aimer les grands films d'aujourd'hui, il convient de connaître les grands classiques d'hier. Paris est pour cela une ville magique où au plein cœur de la cité, des petites salles résistent et proposent tout au long de l'année les chefs d’œuvre du 7eme Art.

François Truffaut parlait ainsi du film de Jean Renoir dans l'ouvrage "les films de ma vie": La règle du jeu (1939) c'est le crédo des cinéphiles, le film des films, le plus haï à sa sortie, le plus apprécié ensuite jusqu'à devenir un véritable succès commercial depuis sa troisième exploitation normale et en version intégrale. A l'intérieur de ce "drame gai", Renoir brasse sans en avoir l'air une masse d'idées générales, d'idées particulières et exprime surtout son grand amour pour les femmes. La Règle du Jeu est certainement avec Citizen Kane le film qui a suscité le plus le plus grand nombre de vocations de metteurs en scène, on regarde ce film avec un très fort sentiment de complicité, je veux dire qu'au lieu de voir un produit terminé, livré à notre curiosité , on éprouve l'impression d'assister à un film en cours de tournage on croit voir Renoir organiser tout cela en même temps que le film se projette pour un peu on se dirait: " Tiens, je vais revenir demain pour voir si les choses se passent de la même façon" et c'est ainsi qu'à regarder souvent la Règle du Jeu on passerait nos meilleures soirées de l'année.

Si nous avons cité François Truffaut si longuement c'est parce qu'il exprime parfaitement le plaisir que nous avons eu à revoir ce chef d’œuvre de l'avant guerre. Fortement influencé par les comédies de Molière, de Beaumarchais , ou par les caprices de Marianne de Alfred de Musset,  Renoir est aussi un amoureux de la commedia dell'arte (le Carrosse d'or un autre de ses grands films devenu malheureusement invisible en est la preuve évidente), il se place dans la filiation directe de ces génies pour écrire un vaudeville sur la haute bourgeoisie, comme il disait si justement "Quitte à prendre des maîtres, il vaut mieux les prendre grands".
Mais il ne concentre pas uniquement son regard sur la haute société, il va aussi dans les communs du château pour filmer les domestiques ; les histoires se confondent ainsi nous retrouvons les cocus à tous les étages. Comme le disait Boeldieu dans la Grande Illusion, "tout se démocratise!"

Mais le génie de Renoir n'est pas uniquement d'avoir signé un vaudeville de haut vol, il fait un tableau particulièrement juste de la société française des années 30 et de son antisémitisme ambiant, c'est assurément parce qu'il rend compte de tous les travers de la société française d'alors que le film fut si violemment rejeté. Il choisit Dalio pour incarner Le marquis De La Chesnaye lui donnant des origines juives qui nous sont révélées lors d'une discussion en cuisine "simplement que la mère De Le Chesnaye avait un père qui s'appelait Rosenthal et qui venait tout droit de Francfort, c'est tout!". Un "métèque" pour incarner un "aristocrate" un sacrilège pour la presse antisémite, notamment de "l'Action française ".

Enfin nous aurons une pensée pour Paulette Dubost disparue le 21 septembre 2011 à l'age de 100 ans, qui joue Lisette la camériste de Madame La Marquise, elle est admirable!

Nous avons vu la Règle du jeu de Jean Renoir à la filmothèque du quartier Latin

2 commentaires:

  1. Oui un chef-d'oeuvre absolu !!! J'ai d'ailleurs découvert l'oeuvre de Beaumarchais grâce à ce film : "Coeurs sensibles, coeurs fidèles, Qui blâmez l'amour léger, Cessez vos plaintes cruelles : Est-ce un crime de changer ? Si l'amour porte des ailes, N'est-ce pas pour voltiger ? N'est-ce pas pour voltiger ? N'est-ce pas pour voltiger ?" (en exergue du film). Du Beaumarchais, du Molière, des moralistes tels Chamfort et La Bruyère mais également beaucoup d'aspects empruntés au théâtre de Marivaux (dans sa structure et ses enjeux compris). Renoir avait écrit dans son autobiographie "Ma vie et mes films" qu'il balançait entre faire une comédie et une tragédie mais personnellement j'ai toujours souvenir de ces arrière-plans mortifères qui courent tout au long du film (cette mort qui attend tous ceux qui se détournent des règles de la société ou tentent d'en entraver les rouages) : ces parties de la chasse, ces fusils, ces coups de feu, et André Jurieux qui meurt ironiquement d'une balle tirée par Schumacher (celui-ci pensait viser Octave, parti pour rejoindre Christine) qui ne font que contraster avec les bienséances, les mondanités et le marivaudage. Un film inoubliable, dans le top 10 de mes films français préférés !

    J'ai un peu plus de difficultés à tirer une lecture "politique" de ce film à partir de la seule question de l'antisémitisme car il me semble que Marcel Dalio était juif lui-même. Et que Renoir n'a pas manqué de faire preuve de propos affligeants sur les juifs de l'époque. Etrange !

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  2. Nous partageons totalement votre analyse

    Effectivement Marcel Dalio était Juif et Jean Renoir a tenu des propos odieux en 40. Dalio a sauvé sa peau en fuyant vers l'Amérique, nous le retrouvons d'ailleurs dans "Casablanca" de Michael Curtiz tourné en 1942.
    Le comportement de Renoir reste incompréhensible, il fut pourtant celui qui eut le regard le plus juste sur la société française des années 30, sur la période allant du "le crime de Monsieur Lange" à "La Règle du jeu".
    Nous aussi nous mettons la règle du jeu dans notre top 10

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