dimanche 22 juillet 2012

Laissez-Moi (Commentaire) - Marcelle Sauvageot

Marcelle Sauvageot née en 1900 à Charleville dans les Ardennes est décédée à l'âge de 34 ans  de la tuberculose. Professeur agrégée de littérature, elle n'a écrit qu'un seul livre. De celui-ci, Clara Malraux déclara: "Premier livre écrit par une femme  qui ne soit pas de soumission...". Ce livre court est un commentaire d'une lettre reçue de son amoureux alors qu'elle suit son traitement au sanatorium, pour être plus précis, une lettre de rupture : "Je me marie.... notre amitié demeure".

Disons le tout de suite de cette amitié elle n'en veut pas: "Savez vous ce que c'est que l'amitié? Croyez vous que ce soit un sentiment plus tiède qui se contente des restes et des menus services que l'on peut éviter de se rendre? L'amitié, je crois que c'est de l'amour plus fort et plus exclusif...mais moins "tapageur". L'amitié connait la jalousie, l'attente, le désir.."

Ce qui frappe dans la lecture de ce texte, c'est sa modernité, sa justesse... Ce n'est pas une simple réponse à une lettre de goujat,  c'est une leçon de vie d'une femme qui choisit de rester debout. Cet homme est devenu médiocre à ses yeux, pas parce qu'il ne l'aime plus mais par le contenu pathétique de sa lettre et que surement par goût des conventions, il fait le choix d'une vie plus raisonnée... A cette lettre, elle fait une réponse universelle, un grand texte de la littérature française.

Deux extraits:  

"Oh homme, tu veux toujours qu'on t'admire. Toi tu ne juges pas, tu ne mesures pas la femme que tu aimes. Tu es là, tu la prends; tu saisis ton bonheur, elle semble ne plus s'appartenir, avoir perdu toute notion: tu es heureux. Elle t'a crié: je t'aime, et tu es satisfait. Tu n'es pas brutal; tu es doux, tu lui parles, tu t'inquiètes d'elle; tu la consoles par des mots tendres, tu la berces. Mais tu ne la juges pas, puisque tu lui demandes d'être heureuse par toi et de te dire qu'elle heureuse par toi. Mais si tu t'aperçois que deux yeux te regardent, puis sourient, tu te révoltes. Tu as l'impression qu'on t'a "vu" et tu ne veux pas être vu, tu veux "être" seulement. Avec inquiétude, tu demandes "A quoi penses tu?"."

.....
"Il est curieux comme souvent un homme, au moment où il pense à s'unir avec la femme qu'il aime depuis longtemps, est obsédé de principes moraux et sociaux. Cette femme il l'aimait parce qu'elle était forte, indépendante, riche d'idées personnelles; s'il songe à l'épouser, ses instincts de domination, d'amour-propre et sa préoccupation du "quand dira-t-on" transforment la force en révolte, l'indépendance en orgueil et mauvais caractère, les idées personnelles en égoïsme et exigences. Il fait observer que la vie est faite de menus incidents journaliers auxquels il faut se plier et en vue desquels il faut se façonner une "mentalité" moyenne."

1 commentaire:

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...