samedi 6 octobre 2012

Une femme est une femme - Jean-Luc Godard

Pour son troisième long métrage Jean-Luc Godard se lance dans la comédie, voire la comédie musicale. L'histoire d'une jeune femme qui désire un enfant mais dont le compagnon lui dit qu'il est encore trop tôt. Pour arriver à ses fins, elle provoque sa jalousie en fricotant avec son ami Alfred. Il lui dit "tu es infâme", elle lui répond "non je suis une femme". 
Le film s'organise autour de scènes de ménage, où Godard se nourrit des disputes qu'il peut avoir avec sa compagne Anna Karina, ce qui provoque selon le cas le rire où la colère de l'actrice. Ce qui ressort de ce film c'est avant tout un sentiment de bonne humeur, le cinéaste est amoureux de son actrice, il semble d'ailleurs avoir multiplié certaines prises juste pour le plaisir de voir jouer la jeune femme d'origine danoise.  Anna Karina chante, se déshabille chastement pour des messieurs, elle illumine le film, le festival de Berlin lui donne un prix pour son interprétation.
C'est rempli de bons mots,  de clins d'oeil aux films de ses amis Truffaut, Demy.... Ainsi nous croisons le temps d'une scène, au comptoir d'un bistrot, Jeanne Moreau , Alfred Lubitsch jouait par Jean ¨Paul Belmondo l'accoste:
- Et vous ça marche avec Jules et Jim?
- Moderato !, qu'elle répond...

Jean Claude Brialy, acteur principal témoigne de l'atmosphère du tournage: "Jean-Luc était amoureux et c'était touchant. Elle, avec sa fragilité, sa voix un peu rauque, ses grands yeux, me faisait penser à une feuille qui se détache de l'arbre. Très vite, ils mélangèrent rapports professionnels et personnels. Ils se déchiraient, s’engueulaient, s'aimaient, se hurlaient dessus... C'était aussi passionné sur le plateau que dans la vie ! Elle partait, il la rattrapait, on attendait, ils revenaient. C'était par moment difficile à suivre. C'était leur façon de s'aimer. J'étais parfois surpris d'entendre cette fille de vingt ans, belle comme le jour, se mettre à l'abreuver de mots très crus. Puis l'orage passait et on continuait à s'amuser. D'habitude, Jean-Luc arrivait à midi moins cinq et nous tournions de midi à dix neuf heures trente. Personne n'avait de scénario, lui seul savait."
Le film n'eut pas un grand succès public. Plus généralement le cinéma est alors en crise, la fréquentation des salles est  en baisse, les jeunes auteurs de la nouvelle vague sont montrés du doigt. Truffaut parle alors du retour de "la vieille vague". Godard reniera plus tard cette comédie, "C'est un film niais, sans vigueur. De la guimauve. Je n'en voulais à personne, je ne recevais pas assez de coups..."

Bien sévère le cinéaste suisse, à revoir ce film, nous lui trouvons un charme certain, nous nous amusons de ses blagues potaches, et finalement nous passons plutôt un bon moment à voir ce film tourné par un homme heureux... Ce premier film en couleur de Jean-Luc Godard est un préambule à des œuvres plus abouties comme Pierrot le Fou ou le Mépris, Roul Coutard le chef opérateur le considère au niveau de sa photo comme le brouillon des oeuvres à venir.

Pour écrire ce billet, la remarquable biographie consacrée à Jean-Luc Godard de Antoine De Baecque nous a été d'une aide précieuse. Elle est éditée chez Grasset.

Film vu à la filmothèque du Quartier Latin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...