mercredi 28 novembre 2012

Les désemparés - Max Ophuls

Dernier film hollywoodien de Max Ophuls, "Les désemparés" est le portrait d'une femme déchirée par sa conscience, un thème cher au cinéaste. Lucia élève seule ses deux  enfants, son beau père est également présent dans la maison familiale, mais son mari en déplacement permanent est souvent absent. Lorsqu'elle découvre que sa fille Bea a une liaison avec Ted Darby, un homme plus âgé peu recommandable, elle se rend dans un  hôtel sordide où ce dernier semble loger. Elle lui demande de mettre fin à la liaison qu'il entretient avec sa fille, celui est prêt à accepter l'offre de la mère à condition qu'elle lui donne de l'argent, ce qu'elle refuse.
Lucia révèle la vraie nature de son amant à Bea, cette dernière refuse de la croire... Elle quitte discrètement le domicile la nuit venue pour rejoindre Ted qui révèle à la jeune fille sa vraie nature. Celle ci le repousse et court se cacher dans sa chambre sans se rendre compte que  dans sa chute accidentelle lui a été fatale. C'est sa mère qui au petit matin retrouve le corps, elle va le plonger dans le lac voisin. Mais le corps est vite retrouvé. Un maitre chanteur qui possédait les lettres de la jeune fille envoyées à son amant vient faire du chantage à la mère.... elle n'est toujours pas débarrassée de ses soucis. Lucia ne cède devant rien, elle mène son combat pour protéger sa famille même si pour cela elle doit renoncer à une part de son honnêteté.
C'est un scénario assez traditionnel de film noir, avec un budget limité, les deux films précédents de Max Ophuls n'ont pas fait un carton au box office il ne bénéficie pas d'une confiance aveugle de la part des studios. Le producteur Walter Wanger, époux de Joan Bennett a d'ailleurs pensé dans un premier temps à Jean Renoir mais il renonça à ce dernier trop cher, se tournant alors vers Max Ophuls. Le budget est limité, le temps de tournage est assez court. Pour autant le metteur en scène ne renonce pas à ses principes et à son goût immodéré pour les longs plans séquences, profitant d'une équipe technique expérimentée. Lutz Batcher qui a écrit une biographie sur Max Ophuls explique comment ce qui est prévu pour être tourné en 15 plans dans le scénario, est intégré dans un seul plan séquence par le cinéaste... Il désire une grue, le studio lui refuse à chaque fois il trouve une parade sans renoncer à son style si particulier. Ainsi à partir d'un petit film, il réalise un petit chef d’œuvre de film noir où la tension est savamment menée à son paroxysme. Face à Joan Bennet remarquable, James Mason assume un rôle de sinistre maître chanteur avant de fondre sous le charme de la mère protectrice, un rôle plein d'ambiguité qui lui va comme un gant . Mais son complice n'a pas la même faiblesse devant la dame, donnant au final toute sa force.
Le cinéma de Ophuls s'est enrichi sous l'influence du néo-réalisme italien notamment dans cette scène où Lucia part seule sur un bateau pour se débarrasser du corps de Ted Darby, filmée comme une scène de vie prise sur le fait nous y voyons une  une influence directe du cinéma de Roberto Rossellini.
Un film resté longtemps invisible qui mérite d'être vu car comme toujours chez Max Ophuls, le sujet est totalement maitrisé nous offrant un vrai spectacle. Il eut une influence majeure sur les cinéastes hollywoodiens impressionnés par la maitrise de sa mise en scène.

Vu dans le cadre de notre cycle Max Ophuls.

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