Les découvertes - Eric Laurrent

"Les découvertes" est le récit d'un jeune homme fasciné par le corps mystérieux des femmes.Véritable parcours initiatique d'un garçon découvrant ses premiers émois avec une reproduction des Sabines de Jean Louis David dans le dictionnaire familial qui se termine avec sa première nuit d'amour. Il est alors un jeune étudiant  manifestant contre les funestes lois Devaquet en 1987.  

Ce parcours fut ponctué d'étapes essentielles: la découverte de l'affiche du film Emmanuelle, le corps de Jane nageant nue dans le premier film de la série des Tarzan avec Johnny Weismuller, (tourné avant l'application du code Hayes, dans les épisodes suivants les robes de Jane ne cessent de s'allonger), les journaux pornographiques et la double page du Penthouse, enfin le passage improbable d'une stripteaseuse lors d'une fête foraine... C'est le parcours d'un jeune auvergnat devant découvrir par lui-même les choses de la vie parce que le sujet est laissé sous silence dans le cercle familial, et parce qu'il a du mal à assumer à l'adolescence son propre corps, tout devient plus compliqué...
Si Eric Laurrent a une vraie fascination pour le corps féminin, il a la même passion pour la langue française et ses mots. Si jeune homme il aimait à ouvrir le dictionnaire familial, ce n'était pas seulement pour aller lorgner le téton de la Sabine, mais aussi pour s'approprier tous les mots qui le composent. Par la richesse de son langage, par son sens de l'humour, il fait de son roman un vrai moment de plaisir. A travers le parcours d'un jeune homme, il trace le portrait d'une époque. La marque d'un grand!

La saga des des émigrants III - La terre bénie - Vilhelm Moberg

Voila nos émigrants débarqués à New-York, ils n'ont pas l'intention de faire un long passage dans la ville américaine à la triste réputation. Leur seul objectif est de rejoindre les plaines du Minnesota où le fils de Fina-Kajsa est déjà installé et où il semble avoir réussi selon sa mère. Le voyage n'est pas de tout repos, les émigrants vont découvrir non sans frayeur les nouveaux moyens de locomotion : le train, le bateau à vapeur... Après avoir affronté le scorbut lors de la traversée, ils se trouvent confrontés à une épidémie de choléra. Le voyage semble sans fin, pourtant c'est pour eux une véritable course contre la montre qui s'engage, il convient de ne pas arriver trop tard pour pouvoir bâtir une demeure avant l'arrivée de l'hiver. Face à toutes ces épreuves, les liens entre les émigrants se resserrent et Kristina finit par sympathiser avec Ulrika l'ancienne fille de joie...Nos émigrants arrivent à destination, ils peuvent s'installer sur des terres libres, et devenir squatteur. Il leur faut s'habituer aux indiens leur nouveaux voisins qui semblent bien inoffensifs, mais la méfiance règne. Ils sont bien installés dans les temps mais l'hiver est rude et long, Kristina accouche d'un garçon, le premier américain parmi ces suédois. Robert le jeune frère de Karl Oscar préfère quitter la colonie, toujours aussi récalcitrant au travail de la terre, il part tenter sa chance en toute innocence dans le grand Ouest comme chercheur d'or avec de grands rêves . Voila tout juste un an qu'ils sont partis mais la nostalgie est déjà là, des pages magnifiques terminent cette partie.

Nous avançons dans cette saga, le plaisir est toujours là, nous ne doutons pas de découvrir un sommet de la littérature populaire. La langue est toujours sublime pour vous en convaincre nous vous en offrons quelques lignes où nous retrouvons le couple Karl Oscar Kristina tout juste installé dans le Minnesota:

"Ils étaient enfin installés en ce lieu où ils allaient passer le reste de leur vie: Chez nous, au bord du lac Ki-Chi-Saga, avait dit Karl-Oscar. Comme cette expression lui avait paru singulière! Elle allait finir sa vie dans ce chez nous qui était pour elle un ailleurs. Cette maison de rondins était son foyer - alors que celui-ci était à des milliers de lieues de là...

Pour Kristina, c'était la Suède qui était son pays, ici elle était à l'étranger. Il aurait fallu que ce soit l’inverse, désormais, et que ces deux endroits échangent leur place. Elle était partie mais n'avait pu faire en sorte que les deux pays bougent avec elle: ils étaient restés au même endroit, l'un serait toujours pour elle son pays, et l'autre l'étranger.
C'était ce qu'elle venait de comprendre, elle devait se l'avouer: en son for intérieur, elle avait toujours le sentiment que son périple n'était pas terminé, qu'elle était partie mais pour revenir un jour.

Pour Kristina, chez nous représentait tout ce qu'elle ne reverrait jamais."

Sublime littérature, nous encourageons quiconque passe par là à découvrir  ce chef d’œuvre!

Retrouvez ici, notre article sur le volume 1 de la saga, et ici celui sur le volume 2 de la Saga

Le Havre - Aki Kaurismäki

Au Havre, Marcel Marx (admirable André Wilms), un cireur de chaussures recueille un gamin sans papier échappé d'un container lors d'une intervention de la police. Il organise son transfert vers l'Angleterre où le jeune garçon  doit retrouver sa mère  à Londres. Pour mener à bien son opération, il peut compter sur la solidarité de ses amis du quartier. Mais ce que l'on observe aussi c'est un comportement de deux types d'individus bien connus depuis la période d'occupation: le délateur anonyme ici interprété par le toujours remarquable Jean-Pierre Léaud  prompt à prévenir les autorités et le policier venant donner l'alarme avant la rafle menée par ses services, Jean Pierre Darroussin  joue ici un "Javert" devenu humain, il est  convaincant... 

Le Havre c'est aussi l'histoire d'un couple qui s'aime tendrement depuis qu'Arletty a sorti Marcel de la galère... Pour le protéger, elle lui cache sa maladie qui semble l'avoir condamnée . La rencontre avec Idrissa le jeune clandestin est pour lui une vraie bouée qui lui permet de supporter l’hospitalisation de son épouse.

Nous ne savons pas grand chose de la cinéphilie d'Aki Kaurismäki, mais nous l'imaginons nourrie aux films de l'époque du réalisme poétique du cinéma français des années 30, ce n'est surement pas un hasard si son héroïne se prénomme Arletty, et si son film ne pouvait se dérouler que dans un port faisant face à l'Angleterre, nous nous rappelons que Le Havre est la ville du Quai des Brumes de Marcel Carné et de la bête humaine de Jean Renoir. Avec ces films, Aki Kaurimaski partage le goût pour les parias de la société... Enfin Le Havre est la ville du plus authentique des rockers Français Little Bob, la recontre entre les deux hommes était évidente, il devient un personnage du film. 

Par le mélange des objets d'hier et d'aujourd'hui, le cinéaste finlandais rend son film intemporel ne réduisant jamais son propos à un discours militant dénonçant une situation factuelle, il fait ainsi de son film une fable universelle... Jamais le cinéaste ne se laisse jamais submerger par la gravité du sujet, l'humour est omniprésent dans son film , Andrè Wilms est excellent il se situe dans la grande tradition des acteurs burlesques...

Nous retiendrons la simplicité de la mise en scène, la beauté des plans où le regard du cinéaste sur ses protagonistes est toujouts rempli d'une grande humanité, nous avons notamment été impressionnés par les plans des visages sur des immigrés découverts enfermés dans un container sur les quais du port. Une leçon de simplicité et d"humanité où en quelques plans le cinéaste en dit bien  plus qu'un grand discours militant...
Le Havre est un film magique, admirablement interprété, c'est une leçon d'humanité, le cinéaste aime à filmer ceux qu'il aime sans perdre son temps avec les "salauds" de ce monde !

Face to Face - The Kinks

Parce que le monde n'est jamais vraiment bipolaire, il convient de ne pas réduire la musique pop anglaise des années 60 à un simple affrontement "Beatles - Rolling Stones", évidemment il vient rapidement à l'esprit les Who et leur tube planétaire "My Génération". Mais il convient de ne pas oublier "The Kinks" des frères Davies véritable troisième  larron des années 60, de là à dire que "the Kinks" sont à la musique anglaise des années 60 ce que François Bayrou est à la vie politique française des années 2000, il ne faut pas exagérer.. The Kinks ne ménagent ni la chèvre et le chou, ils sont rock'n roll!

Face To Face, superbe album des Kinks est notre album de la semaine !

Madame Raymonde au Théâtre des Sources - Fontenay Aux Roses

Madame Raymonde chanteuse réaliste est accompagnée sur scène d'un accordéoniste "le zèbre" et d'une bouteille de vin rouge qu'elle se siffle durant le spectacle avec son acolyte. Elle chante, elle gronde le propriétaire d'un portable inopportun ou le retardataire qui la fait trébucher au milieu d'une complainte, elle palabre entre deux et un peu trop parfois à notre gout.

Denis d'Arcanlego grand admirateur d'Arletty incarne une chanteuse pleine de gouaille qui était en vogue entre le deux guerres. C'est un spectacle sympathique qui vous met de bonne humeur pour le week-end. La chanson réaliste n'est pas spécialement notre tasse thé, mais Madame Raymonde nous a emballé le temps d'un soir.

Quand l'Etat veut dire l'Histoire, la République est en danger.

 Nous ne doutons en rien de la réalité du génocide ayant décimé la population arménienne en ce début de siècle en Turquie. En 1915 et 1916, sous le faux prétexte que les populations arméniennes collaborent avec la Russie voisine alors en guerre avec l'empire Ottoman allié de l'Allemagne, les populations arméniennes de l'Anatolie sont déplacées et massacrées systématiquement, c'est ici le premier génocide du siècle... Ces faits sont reconnus par tous les historiens, des écrits négationnistes existent mais ils ne résistent à aucune lecture sérieuse et scientifique. Le refus par la Turquie de reconnaitre son passé est intolérable, nous comprenons la douleur des descendants des victimes et leur besoin de reconnaissance.Pour autant, nous considérons que la loi ne doit pas dire l'Histoire, nous contestons à ce titre le dernier texte voté par les deux Assemblées.  Il fut voté principalement par des élus issus de  circonscriptions où les communautés arméniennes sont fortement représentées. Est-ce donc là la voix du peuple français qui s'est exprimé ou l'exemple d'une dérive communautariste?

Nos plus brillants historiens réunis dans le cadre d'une association "Liberté pour l'Histoire"ont cherché à défendre leur liberté de travail. Le 12 décembre 2005, un premier appel fut signé par: Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock.

L'appel s'ouvrait ainsi :

"L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.

L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique."

Nous nous étonnons de voir le Parti Socialiste rester sourd à cet appel, et de se couper ainsi de ces plus grands universitaires. Lisez la liste des signataires que de grands noms, de grands résistants, en aucun cas il n'est possible de les suspecter  de mauvaises pensées, ils sont tout simplement de grands humanistes, l'honneur de l'université française.

Notre colére est renforcée par un article récent du blog de Pierre Assouline. Dans le livre des commémorations annuelles, il a été demandé Guy Pervillé, Professeur d'Histoire Contemporaine à l'université de Toulouse de rédiger un article sur la fin de la guerre d'Algérie pour le cinquantième anniversaire de la fin du conflit. Il a du subir la censure pour la première fois de sa carrière , son texte a été mutilé, vidé de sa substance. Adieu les attentats de l'OAS, le traitement odieux des Harkis, les enlèvements de français,  les propos douteux du Général de Gaulle, la censure ici nie les faits historiques d'une manière scandaleuse.

Lorsqu'une Nation refuse d'écouter ses plus grands intellectuels pour satisfaire des revendications communautaires, quand un Gouvernement censure le travail d'un historien reconnu pour falsifier la vérité historique, la République est en danger!

Liens

L'article de Pierre Assouline

Le site Liberté pour l'Histoire

La version de l'article de Guy Pervillé (non censuré)

Les souffrances de Job - Hanokh Levin - Ateliers Berthier (Théâtre de l'Odéon)

Le livre de Job est un des passages les plus passionnants et des plus beaux de l'ancien testament . Parce que la vie est facile à Job, il lui est aisé d'aimer Dieu. Le diable souhaite éprouver sa foi, avec l'accord de Dieu, il prive Job, de sa vie, de ses enfants, de sa santé... Trois de ses amis lui rendent visitent, ils voient dans ses souffrances la punition de Dieu pour un péché commis, Job réfute cette idée,  ses souffrances signifient l'injustice de la condition humaine. Un quatrième homme lui rend visite, il voit dans ses souffrances un avertissement de Dieu... Puis c'est Dieu à son tour qui rend visite à Job, loin de lui apporter des réponses, il interroge l'homme qui s'excuse d'avoir parlé de Dieu sans savoir qui il est ... Dieu considère qu'il est le seul à avoir correctement parlé de lui, il lui rend en double ce qui lui a été pris.

C'est ce magnifique poème dont l'auteur dramatique Israélien s'approprie l' histoire pour en faire une des pièces les plus radicales de son répertoire. L'action se situe sous l'occupation romaine au début de notre ère, Job se retrouve aussi confronté aux troupes romaines qu'il lui demande de renier Dieu. Alors que peu de temps avant, dévoré par la douleur, dépouillé de tous ses biens par les huissiers, il en niait l'existence devant ses amis, avant de retrouver la foi dans l'image de son père qui venait le réconforter enfant alors qu'il était en proie aux cauchemars... Il refuse de renier Dieu devant les troupes romaines contrairement à ses trois amis, il est condamné à être empalé. Vendues à un directeur de cirque, son agonie et ses atroces souffrances sont transformées en spectacle payant...

Nous retrouvons dans ce texte toute la vision noire de l'auteur israélien chez qui l'homme quel qu'il soit est capable des pires bassesses;  l'humiliation est inhérente à l'espèce humaine. Aucune once d'espoir dans ce texte désespéré où à travers sa relecture  du mythe de Job, Hanoch Levin dénonce les obscénités de son temps, personne n'est épargné  pas même le spectateur, c'est un vrai jeu de massacre. Seuls des moments de rire viennent nous libérer de la violence et de la radicalité du propos. Les termes de l'auteur sont sans ambiguïté sur l'absurdité de notre monde:

"Ne cherchez pas un sens, ni une morale

contentez vous d'apprécier le spectacle: un homme tombe

et bientôt il sera mort."

Jugé immontable car trop complexe sur le plan scénique et dérangeante par la violence de son propos, la pièce n'avait jamais été montée en Europe. Laurent Brethome jeune metteur en scène  dont nous venons de voir récemment un magnifique Bérénice de Jean Racine, n'avait de cesse de mettre en scène ce texte, il a su avoir la persévérance nécessaire après de nombreux refus (source, blog Pierre Assouline).

Disons le, le défi est ici relevé de la plus belle manière, une scénographie extraordinaire (élément qui nous avait particulièrement impressionné dans la mise en scène du Bérénice) permet au texte de prendre toute sa place, l'aspect visuel du texte est tout à fait remarquable, mais à coté de cet aspect visuel  il faut également souligner la perfection " du paysage sonore" (Antoine Herniotte), nous sommes souvent réticents à l'usage du micro mais ici nous n'avons rien à lui reprocher, le texte est parfaitement audible, les bruits sont éxécutés en direct. C'est du très grand spectacle.

Philipe Sire qui incarne ici Job est époustouflant, il nous avait particulièrement impressionné dans le rôle d'Antiochius,  il signe une performance extraordinaire. Nu dans la dernière partie du spectacle pour finir perché sur une pique, livré aux souffrances son jeu est toujours d'une pure justesse sans aucun excès... Fabuleux

Les souffrances de Job,  pièce  jouée aux Ateliers Berthier est un très grand moment de théâtre, d'une très grande beauté. Laurent Brethome est  assurément un futur grand nom de la scène française!

Les souffrances de Job - Texte de Hanokh Levin - Mise en scène Laurent Brethome - Théâtre de l'Odéon (Ateliers Berthier)

Truelove's Gutter - Richard Hawley

Nous restons en Angleterre, cette semaine pour faire honneur à son plus grand crooner actuel, Richard Hawley. Originaire de Sheffield, il  passe par Pulp, le groupe de Jarvis Cocker avant de se lancer dans une carrière solo.Les inrocks ont parfaitement résumé le talent du chanteur: "l'anglais Richard Hawley n'est plus un immense chanteur: il est un enchanteur"

Truelove's Gutter son sixième album  est une pure merveille, c'est notre album de la semaine!

Un miracle ordinaire - Evgueni Schwartz au Théâtre Jean Arp

Photo Cyprien Quairiat

Du temps de Joseph Staline, il était impossible au citoyen soviétique de dormir sur ses deux oreilles, le lendemain étant toujours incertain. Ainsi le métier d'auteur dramatique etait une activité à hauts risques pouvant vous envoyer sans délai dans les géoles sibériennes. Mais quand la plume vous démange rien ne peut vraiment vous arréter, il convient d'être futé. Evgueni Schwartz a par exemple choisi d'écrire des textes pour enfants comme c'est le cas de la pièce que nous sommes allés voir ce soir.

Dans un miracle ordinaire, nous retrouvons tous les éléments du conte: un magicien, un roi, une princesse.... Pour faire simple, le magicien a transformé il y a fort longtemps un ours en  être humain.Fatigué de sa condition humaine, celui-ci souhaite retrouver sa forme première, mais pour cela il faut qu'il soit embrassé par une princesse amoureuse. Il finit bien par croiser une jolie princesse dont il tombe amoureux, mais du coup il n'a  plus vraiment envie de se faire embrasser....

Nous vous dirons également que le roi  se promène en permanence avec son ministre administrateur totalement corrompu et son bourreau, parce que parfois il aime bien purger ses terres ...

C'est un peu l'histoire d'un conte qui tourne parfois à la farce politique! C'est ainsi que Evgueni Schwartz exprime son humanisme.

Laure Favret a choisi un décor  plutôt froid, épuré, quelque part conforme à l'esthétique de l'union soviétique tel que nous pouvons nous le représenter dans notre imaginaire.Les comédiens prennent toute la place sur le plateau, et nous sommes très vite embarqués dans cette pièce, nous rions beaucoup et plus particulièrement de ce roi fou incarné par un extraordinaire Nicolas Struve qui réalise une vraie performance d'acteur de comédie, il est irrésistible. Si nous avions une réserve à faire c'est sur la dernière partie du texte qui nous est apparue un peu longue et datée où le rythme retombe quelque peu après le temps de la comédie  . Mais ceci ne serait nous faire oublier les moments de plaisir et de rire. Ecrite en 1954, un an après la mot du tyran, Schwartz écrit un texte qui se révèle un hymne à la vie, ce n'est pas rien!

C'est un spectacle réjouissant qui nous est donné à voir au théâtre Jean Arp, il y a de la chanson, du rire et tout finit bien, ne vous abstenez pas c'est encore visible jusqu'au 28 Janvier (cliquer ici)!

Nous vous conseillons vivement : Miracle Ordinaire - Evgueni Schwartz Mise en scène de Laure Favret

A Dangerous Method - David Cronenberg

Une patiente Sabina Spielrein arrive dans un établissement psychiatrique à Zurich en pleine crise d’hystérie. Le docteur Jung va tester une nouvelle méthode de thérapie basée sur la parole, thérapie inspirée par le travail de son collègue de Vienne, Sigmund Freud. Les résultats sont probants mais la méthode n'est pas sans danger pour le Psychiatre Jung, sa patiente faisant de tout évidence un transfert sur son thérapeute, il succombe à ses avances, encouragé en cela par un collègue psychanalyste et anarchiste Otto Gross, qui suit au même moment une cure dans la clinique de Jung dont il est devenu le patient.

Cette première expérience va permettre à Jung de se rapprocher de Freud à la recherche de nouveaux collègues pour donner un plus large écho à ses travaux de recherches, il souhaite faire de Jung avec qui il partage de longs temps de conversation, son héritier "intellectuel". Dans le même temps, Sabina Spielrein guérie mais semblant toujours dans l'angoisse de replonger dans la folie se lance dans des études de psychiatrie.

Trés vite, nous sentons la brouille s'installer entre les deux hommes, Sigmund Freud contestant la direction que veut donner Jung à son travail notamment en le rapprochant des sciences occultes. Freud l'athée ne peut supporter le mysticisme de Jung et ses dérives vers la parapsychologie...

Pauvre Jung aurions nous envie de dire, il vit sous une triple contrainte: financière de son épouse, intellectuelle de Freud,  sensuelle de sa patiente Sabrina Speltein... mais il est le seul des personnages à survivre à la seconde guerre mondiale, il est aussi le seul praticien du film à ne pas être juif.

C'est joliment filmé, les acteurs sont excellents, tout est beau dans ce film où l'ambiance est finalement assez feutrée, la violence est ici dans les mots. Si nous comprenons rapidement que Cronenberg a choisi le camp de Freud avant même la brouille des deux hommes (nous aussi d'ailleurs, à dire vrai nous sommes plutôt du coté de Otto Gross), il garde néanmoins une certaine distance par rapport à ses personnages, comme s'il était un témoin lointain de cette histoire tel Fabrice à Waterloo.

Cette distance, que nous pourrions avoir envie de lui reprocher, est finalement un choix plutôt judicieux pour laisser toute sa place à la parole. Les dialogues menés entre les deux hommes sont longs, mais pour eux deux ils sont la condition nécessaire et indispensable pour faire avancer leur travaux, ils forment le cœur de ce film. C'est tout simplement l'outil du psychanalyste. D'ailleurs lors d'un repas où Jung, impoli vide le plat alors que les enfants du praticien viennois  ne sont pas encore servis, Freud plein d'humour fait gentiment remarquer à son collègue que ses enfants ont l'habitude des conversations "inappetissantes".

Cronenberg ne cherche pas à faire le spectacle mais à nous offrir une reconstitution historique de la naissance de la psychanalyse, ce film  particulièrement riche est totalement maitrisé... C'est plutôt bien réussi!

Jeune Fille - Anne Wiazemski

C'est par l'entremise de Florence Delay qui fut Jeanne d'Arc dans un de ces précédents films que Anne Wiazemski rencontre le cinéaste Robert Bresson. La jeune fille le séduit et il envisage très rapidement de lui donner le premier rôle sur son prochain film: Au Hasard, Balthazar. Des essais effectués au studio de Boulogne Billancourt, corfiment au cinéaste la justesse de son choix, Anne Wiazemski est son premier choix il ne lui reste qu'à obtenir l'accord de François Mauriac le grand père de la jeune fille, en charge de l'éducation de sa petite fille depuis le décés de son père. Le prix Nobel ne fait pas de difficultés il comprend les désirs de sa petite fille, et il tient en estime le cineaste de "un journal d'un curé de campagne".

Le tournage a lieu durant les vacances d'été, Robert Bresson séquestre sa protégée, elle doit dormir dans la même maison que lui, partager ses repas. Elle ne peut en aucun cas participer à la vie de l’équipe de tournage. Plus qu'un Pygmalion, le réalisateur se révèle un vrai tyran. Son amie Florence l'avait prévenu: "Robert est un tyran fascinant. Tu  devras toujours lui obéir, apprendre la docilité, le don de soi. De toutes les façons, tu n'auras pas le choix: il fera en sorte que tu aies le minimum de contacts avec le reste de l'équipe. Il sera amoureux de toi comme il a été, je crois, de moi et je pense aussi de Marika."

Chaque soir, elle se retrouve seule avec le réalisateur et le couple qui les loge, puis vient l'heure de la promenade nocturne où Robert se fait parfois entreprenant: "J'eus soudain un frisson et il s'en émut: "Vous avez froid!" Il enleva le chandail en cachemire qu'il portait sur ses épaules, le noua autour de mon cou et m'attira contre lui. Je me remis à frissonner. "Soyez gentille avec moi." Sa bouche chercha la mienne. Cela me fut insupportable et je le repoussai. Il me relâcha et me contempla d'un air désolé, comme si je lui causais une peine immense.Nous regagnâmes la maison en silence. "

Mais au-delà de ces désagréments la jeune fille découvre les coulisses de ce métier, futée elle arrive même à s'organiser des moments de liberté provoquant parfois la colère du réalisateur, partant  le temps d'un week-end à Paris avec un membre de l'équipe avec qui elle découvre les plaisirs de l'amour. 

Elle a une vraie admiration pour le cinéaste, lui excusant ses travers, cette expérience est pour elle une révélation, et c'est sereinement qu'elle vit son nouveau statut de vedette après avoir fait la une de France soir. Jean-Luc Godard vient faire une visite sur le tournage, cela ne l'émeut pas beaucoup... affaire à suivre!

Après avoir dévoré son dernier roman, nous avions le désir de replonger dans celui ci, et c'est toujours passionnant!

The Queen is dead - The Smiths

The Queen is dead des Smiths est assurément le sommet de la discographie du groupe Manchester. Le duo Johnny Marr Morrissey signe un album pop d'une rare densité sans aucune faiblesse. Le meilleur des années 80, sans aucun doute, et ça n'a pas pris une ride!

The Queen is dead est notre album de la semaine!

Une veillée singulière - Christian Carrignon

Entre l'age de 8 et 10 ans, deux enfants ont pris l'habitude de partager leurs vacances d'été au domaine de  "papy-Tonton" un paléontologue de renommée mondiale. Un lieu extraordinaire où les enfants se régalent des récits de la préhistoire que leur raconte "papy tonton", mais un incendie tragique dans lequel périt "papy-tonton" met fin à ces traditionnelles vacances.

Perdus de vue, les deux enfants se retrouvent vingt cinq ans plus tard autour de la malle qui renferme les objets de "papy-tonton" . L'occasion de revenir sur leurs vacances passées et de nous dévoiler toute l'histoire .

Theâtre d'objets, théâtre d'ombres avec très peu de moyens les deux acteurs Hadi Boudebiche et Claire Latarget nous content une histoire aux forts accents romanesques. Ils captivent la salle et son jeune public, qui écoute avec attention l'histoire tragique de Papy tonton et le secret qu'il a choisi de protéger au prix de sa propre vie. Le tout rythmé par le "carvan" de Duke Ellington

Une année studieuse - Anne Wiazemski

En juin 1966, Anne Wiazemski se prépare à passer un été studieux pour préparer l'oral du bac du mois de septembre suivant. Mois de juillet chez une copine dans le sud à ramasser des pêches, mais le mois d'août est prévu à Paris. Elle a même eu le culot de demander à Francis Jeanson l'ami de Sartre connu pour son engagement en faveur du FLN lors du conflit algérien de lui donner des cours de Philosophie pour préparer son examen lors d'une réception chez Gallimard Ce qui n'était pas prévu c'était Jean Luc Godard que la jeune fille a croisé l'année précédente lors du tournage de Au Hasard Balthazar  de Robert Bresson où elle connaissait sa première expérience d'actrice. Elle eut l'occasion de le recroiser plus tard, mais le monsieur à vrai dire ne lui fit pas grand effet. Mais après avoir vu Masculin Féminin, elle écrit une lettre pour exprimer son enthousiasme au cinéaste. A sa lecture, celui ci prend rendez vous avec la jeune fille, c'est le début d'une belle histoire d'amour....

Mais la grande différence d'âge, ( la jeune fille est encore mineure, l'âge de la majorité étant alors de 21ans), et son pedigree, Anne est la petite fille de François Mauriac, écrivain catholique prix Nobel connu pour son engagement gaulliste compliquent la situation... C'est évidemment un peu difficile, au début de faire accepter à une famille attachée "aux valeurs traditionnelles" cette histoire d'amour avec un cinéaste connu pour ses engagements gauchistes et ses amitiés maoïstes. La fille et la mère connaissent un vrai conflit mais l'air de rien cette dernière sait aussi tenir son rôle (magnifique scène chez un gynécologue moraliste). De nombreuses lettres anonymes sont adressées à François Mauriac pour l'avertir de la relation "scandaleuse" qu'entretient sa petite fille mineure. Mais François Mauriac, même si il se désole de ne pas voir sa petite fille se marier à l'Eglise démontre une nouvelle fois sa grandeur d'esprit et finit par s'amuser à l'idée d'être le grand-père de Jean-Luc Godard.

Ce dernier se remet tout juste de sa séparation avec Anna Karina avec qui il a écrit une des plus belles pages du cinéma français. Il se révèle ici alternativement immature, brillant, drôle, attentif, passionnément amoureux, infiniment touchant... Il se lance dans la réalisation de "la Chinoise" donnant ainsi un premier rôle à son amoureuse... Occasion pour nous de croiser le génial directeur de la photographie Raoul Coutard, un véritable ours!

Si ce livre est la chronique d'une jeune fille qui devient femme au travers de deux hommes: Jean Luc Godard et Francis Jeanson. C'est aussi le portrait de la France juste avant les évènements de Mai 1968, Anne Wiazemski  étudiante en philosophie à l'université de Nanterre en 1967  croise un étudiant en sociologie Daniel , un rouquin plein de gouailles et plutôt dragueur, occupé à developper un mouvement anarchiste...

Nous avions adoré le livre où elle racontait sa rencontre avec Robert Bresson, depuis nous espérions qu'elle consacrerait un ouvrage à sa rencontre avec Jean Luc Godard. Nous l'avons espéré et il nous ravit. On adore!

Lune de miel mouvementée - Leo McCarey (1942)

Katie O'Hara (Ginger Rogers) s'apprète à s'unir avec un baron autrichien,  épouser un héritier d'une famille de la noblesse européenne semble être  la réalisation d'un rêve de jeune fille. Ce qu'elle ne sait pas c'est que son futur époux est un haut dignitaire nazi qui prépare l'arrivée des nazis en Autriche. Pat O'Toole (Cary Grant) un journaliste mondain enquête sur ce mariage et sur les activités secrètes du baron. Il va suivre le couple dans sa lune miel dans les divers pays européens, c'est un voyage très mouvementé qui nous ait proposé, vous vous doutez bien que Katie O'Hara finit evidemment par succomber aux charmes du journaliste, son mari devient alors très encombrant... mais quand on est américain combattre les nazis est un devoir!

En plus d'avoir créé le couple Laurel et Hardy, Leo McCarey est aussi le réalisateur de "la soupe aux canards" avec les Marx Brothers, cet homme a un vrai sens du gag. Et nous rions beaucoup durant ce film, Cary Grant est un génie de la comédie et nous exultons à le voir prendre les mesures de Ginger Rogers voulant se faire passer pour un couturier pour découvrir son intimité. Le film est plombé par des passages patriotiques mais nous sommes en 1942, l'heure est grave, nous pardonnons. Nous avons préféré de cet auteur "cette sacré vérité" où nous retrouvions Cary Grant,, si ce film n'a pas la même grâce que  To be or nor to be de Ernst Lubitsch tourné la même année, il reste un vrai moment de bonheur!

Film vu dans le cadre 2012 année de la comédie américaine!

La saga des émigrants II - La Traversée - Vilhelm Moberg

Parce nous n'avons pas le pied marin, nous avions peur de trouver cette traversée un peu longue. Sur un bateau même lorsque nous ne souffrons pas du mal de mer, invariablement nous nous y ennuyons. Alors 280 pages sans ennuyer son lecteur pour traverser la mer Baltique, la mer du nord puis enfin l'océan Atlantique pouvait apparaitre comme une gageure difficile à relever.

Des conditions épouvantables , une promiscuité insupportable, des aliments réduits au minimum, la traversée n'a rien d'un long fleuve tranquille, la première tempête est terrible, nos pauvres paysans sont effrayés. Le capitaine, un vieux loup de mer fait aussi office de médecin, de prêtre.  puis le trajet se fait long et nos humbles personnages découvrent l'oisiveté car sur un bateau il n'y a pas grand chose à faire contrairement à la ferme, nous sentons même poindre une sorte de nostalgie... Mais tout n'est pas tragique dans cette lecture nous rions notamment aux mésaventures de Danjel Andreasson l'illuminé de dieu qui pense naïvement que sa foi le protège du mal de mer... Les déficiences alimentaires provoquent les premiers troublent sanitaires, le scorbut, plus de 10% des voyageurs vont périr durant la traversée. Kristina l'adorable épouse enceinte de Karl Oscar est touchée, arrivera-t-elle à bon port...

C'est génial!

Shame - Steve McQueen

Shame est le portrait de Bradon, cadre New-Yorkais. C'est une descente aux enfers où un homme devient asocial parce que totalement asservi à ses pulsions sexuelles, pulsions autodestructrices qui vont le mener à mettre un genou à terre. Nous sommes loin de l'homme qui aimait les femmes de François Truffaut, nous sommes uniquement dans la consommation, la seule fois où il est peut être question d'amour notre homme devient défaillant. C'est un portrait sur les mœurs de notre temps où le consumérisme est roi, à ce titre Steve Mac Queen n'est peut être pas si éloigné de La Bruyère.

Le portrait est un exercice difficile, construire un caractère n'admet aucune faute, ne pas chercher à comprendre, à expliquer sinon tout s'écroule. Tous ces écueils sont ici évités par le cinéaste anglais. Nous sommes impressionnés par la tenue du film, peu de mots, tout est dans les variations des regards , le corps est tendu en permanence ... chaque plan permet de percevoir les méandres de l’âme du personnage qui garde sa part de mystère. Dans ce rôle, Michael Fassbender par son jeu subtil révèle toute la complexité du personnage.

Nous sommes subjugués par le long travelling suivant dans les rues de New York le footing nocturne  de Brandon, et que dire de son regard d'une tristesse infinie alors qu'il fait l'amour avec deux femmes au bout d'une nuit folle.

Shame est un film remarquable, comme les variations Goldberg jouées par Glenn Gould !

From Gagarin's Point Of View - Esbjörn Svensonn Trio

La Suède est un grand pays de jazz, Stochkolm est un passage obligé pour tous les plus grands musiciens. Esbkjorn Svensonn Trio inspiré par Keith Jarrett et  Chick Corea fut un groupe majeur de ces dernières années jusqu'au décès accidentel de son pianiste et fondateur Esbjorn Svensonn lors d'une sortie de plongée sous-marine dans l'archipel de Stochkolm en 2008 . La musique de ce groupe n'a cessé de s'enrichir au fil des ans, il nous laisse assurément une des plus belles discographies de jazz de ses vingt dernières années.

Parce que c'est l'hiver, nous avons décidé de ressortir From Gagarin's Point  Of View (1999). Nous vous proposons le Morceau "The chapel" issu de cet album.

Jacques Gamblin lit Romain Gary - La nuit sera calme

Jacques Gamblin fut un de nos grands coups de cœur de l'année précédente, quoiqu'il nous propose nous sommes prêts à être de ses spectateurs. Après l'avoir acclamé dans son propre texte "tout est normal mon cœur scintille" , nous le retrouvons lecteur de "La nuit sera calme" où Romain Gary se raconte sous la forme d'une "vraie- fausse" interview. Le texte est ramené à sa substantifique moelle et c'est tant mieux!

Sobriété totale, l'acteur est assis derrière une table, juste accompagné d'un magnétophone. Dés qu'il lit, la salle est captivée, il incarne parfaitement la truculence, l'humour de l'écrivain et son sens parfait de la formule.Plus de 600 personnes présentes mais un vrai sens de l'intimité où l'on oublie ses voisins et nous restons avec l'agréable impression que le texte est juste lu pour nous!

Ce fut un vrai bonheur de retrouver Jacques Gamblin !

C'était Jacques Gamblin lit "la nuit sera calme" de Romain Gary (Théâtre des sources - Fontenay aux roses)

L'enfance d'Ivan - Andrei Tarkovski (1962)

Ivan est un orphelin dont la famille a été massacrée par les nazis, il n'a de cesse de se venger... Recueilli par des officiers russes qui cherchent à l'envoyer sur les lignes arrières pour pourvoir à son éducation, Ivan refuse de renoncer à la guerre, il préfère son rôle d'éclaireur, il s'engage contre l'avis de ses supérieurs dans une mission hautement périlleuse... A la fin de la guerre en fouillant dans les archives nazies, un soldat russe découvre qu"Ivan a été exécuté .

C'est il faut bien l'avouer notre première rencontre avec le cinéma de Andreï Tarkovski, c'est un choc! Mais il est vrai aussi que nous sommes facilement subjugués par des paysages de forêt de bouleaux des pays de l'Est. Dés les premières images nous sommes saisis par la beauté des plans, où se succèdent des scènes oniriques quand l'enfant, dans ses rêves,  retrouve sa mère et son enfance perdue,  puis des scènes réalistes de la ligne de front... Difficile de se détacher de ce gamin blond à la conduite héroïque, devenu quasiment un monstre froid hanté par la volonté de vengeance.

Pierre Murat dans un supplément du DVD explique que Jean Paul Sartre qui avait aimé ce film, considérait que la mort de l'enfant était presque un "happy end", parce que c'est un être qui n'aurait pu comprendre la liesse de la victoire il aurait été encore plus étranger au monde.

C'est le premier long métrage du cinéaste russe qui remporte le lion d'or à Venise en 1962. Un cinéma fascinant!

La saga des émigrants 1 - Au Pays de Vilhelm Moberg

Cette saga est l'histoire des premiers pionniers partis pour l'Amérique, ce premier opus fait le tableau à travers une famille de la situation des paysans dans le pays de Smaland, une province du sud-est de la Suéde au XIXème . Nils de Mjödahut et Marta occupent une des plus anciennes fermes de Ljuder, subdivisée à plusieurs reprises au fur et à mesure des successions. De leur union naquirent cinq enfants dont trois survécurent: Karl Oscar, son frère Robert et Lydia l'unique fille. Une des principales activités du fermier est de retirer les énormes pierres qui envahissent ses terres, l'un d'elles finit par avoir raison de sa bravoure et vient lui briser une jambe. Dans la totale incapacité de cultiver ses terres après cet accident, Karl Oscar son ainé reprend la ferme avec sa jeune épouse Kristina. Après des débuts encourageants, les affaires tournent mal, la météo gâche les récoltes, la famine est là, aucune perspective positive pour la famille si ce n'est l'Amérique...

Cet ouvrage est remarquable, sa lecture est indispensable... Nous découvrons la Suéde au XIXeme où le pasteur luthérien (Enok Brusander dans le roman), représentant de la religion d'Etat, a un pouvoir considérable sur ses ouailles. Chaque automne, il passait dans les familles vérifier le niveau spirituel des paroissiens interrogés sur le petit catéchisme de Luther. Les hérétiques adeptes de Ake Svensonn qui à la fin du XVIII a souhaité renouer avec les pratiques religieuses des premiers apôtres  sont poursuivis. Insupportable est la condition faite aux valets qui peuvent être légalement battus par leurs maitres, ainsi Robert le jeune frère engagé dans une ferme voisine porte définitivement les stigmates des coups reçus. La Suéde n'était pas en ce temps là une démocratie modèle.

Mais si la lecture de ce texte, qui s'inscrit dans une tradition du roman "des écrivains prolétaires", mouvement littéraire important au XXeme en Suéde, est absolument passionnante, c'est que l'auteur traite d'un sujet universel, l'émigration et le mouvement des populations, et qu'il nous amène à réfléchir sur ces phénomènes.

Au cours du XIXeme siècle en Suède, c'est plus d'un million de personne qui ont fait le choix de partir vers le nouveau monde soit plus de 10% de la population. Nous voyons bien à la lecture qu'il existe plusieurs raisons à ce départ, il y a le cas de Robert dont on ressent le goût pour l'aventure et l'envie de découvrir ce nouveau monde, il y a des raisons politiques notamment pour Danjel Andreasson et sa famille, adeptes de Ake Svensson qui ne peuvent vivre librement leur religion, enfin et pour la grande majorité le départ est imposé par les conditions de vie devenues impossibles dans son propre pays, le départ est un arrachement mais il est le seul espoir, dans le roman de Moberg c'est la mort de la fille ainée de Karl Oscar victime de la famine qui déclenche la décision définitive.

Les raisons premières constatées de nos jours sur les mouvement d'émigration sont toujours les mêmes, les gens partent parce qu'ils ne peuvent plus vivre  sur leurs terres, c'est avant tout un geste de survie... On ne part pas pour aller vivre d'avantages sociaux, ce n'est certainement pas le RSA, la CMU ...qui poussent de braves gens à s'engager sur des embarcations improbables. Vouloir placer des barrières administratives et policières à nos frontières est vain et démagogique, le désespoir ne se régule pas! Le développement économique de l'Afrique  et des pays pauvres est la seule possibilité pour réduire ces mouvements de désespoir... 

Mais pour cela il faut d'abord mettre fins aux régimes corrompus qui gouvernent ces pays, mais comme cette corruption nourrit aussi  nos puissants nous ne sommes pas prêts de voir la fin de ce système....

Lire Moeberg c'est ouvrir les yeux sur le monde, c'est nourrir son humanisme c'est donc une lecture indispensable!

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Nous avons déclaré 2012, année de la comédie américaine.

Parce que l'année 2012 ne s'annonce pas réjouissante: crise chômage rigueur... seront nos maux quotidiens. Avec une élection présidentielle qui annonce plus de coup bas que de grands projets pour l'avenir, nous nous attendons pas à des lendemains qui chantent  ...

Pour ne pas céder à la morosité ambiante, nous nous sommes lancés un challenge: chroniquer  au minimum une comédie américaine pour  chaque mois de l'année

Faire de Franck Capra, Howard Hawks, George Cukor, Ernst Lubitsch, Preston Sturges, Billy Wilder.... nos compagnons  de route "anti-morosité"!

Nous ne renoncerons pas au rire durant cette année 2012 !

Talking Heads - Little Creatures - Album de la semaine

Pour bien commencer l'année, nous avons décidé de ressortir un album de 1985 de Talking Heads.  C'est toujours un vrai bonheur de retrouver la bande à David Byrne!

"Little Creatures" n'a pas pris une ride, puisque nous parlons de petites créatures, nous espèrons pour cette nouvelle année que 2012 sonnera la fin du régne de "la petite créature" de l'Elysée!

Que cette année vous soit heureuse!