samedi 31 mars 2012

Gaspard Proust en trois lignes

Lorsque vous vous déplacez pour aller voir un spectacle de Gaspard Proust, le chansonnier tendance du moment, c'est pour rire. Nous avons ri, c'était corrosif à souhait sans tomber dans un rire de mauvaise qualité signe d'une vraie qualité d'écriture, le spectacle était donc réussi.

A confirmer !

L'urgence et la patience - Jean-Philippe Toussaint

C'est avec un petit essai que nous retrouvons un des nos auteurs fétiches. Jean-Philippe Toussaint presque sur le ton de la confession nous raconte son expérience de l'écriture. Tout d'abord, ce besoin impérieux d'écrire lui est venu subitement, il ne sait plus quand, mais où, il est certain, c'était entre Bastille et République, dans un bus. L'urgence et la patience sont en quelque sorte les deux mamelles de son art.

"D'ordinaire, l'urgence préside à l'écriture d'un livre et la patience n'est que son complément indispensable, qui permet de corriger ultérieurement les premières versions du manuscrit. Chez Proust, il semblerait que la patience précède l'urgence. Proust n'écrit pas de première version d' A la recherche du temps perdu, il se contente de vivre, il prend tout son temps, comme s'il se relisait avant même d'avoir écrit. C'est sa vie, la patience, et l'urgence c'est son œuvre. Mais chaque façon personnelle de concevoir l'écriture est une névrose unique. Kafka, tous les soirs, se mettait à sa table de travail et attendait l'élan qui le porterait à écrire. Il avait cette foi en la littérature, il ne croyait qu'en elle, il ne voulait être qu'elle ("je ne peux ni ne veux être rien d'autre"), et il pensait tous les soirs qu'adviendrait pour lui cet idéal inaccessible: écrire."

Nous avons aimé toutes ses confidences  sur le cœur de son métier,et également apprécié les lectures vues à travers le prisme de l'écrivain. Ses études de "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust, de "Crime et châtiment" de Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski ou de l’œuvre de son modèle Samuel Beckett nous ont donné l'envie de replonger dans ces chefs d’œuvre, le regard porté par l’écrivain est particulièrement affiné, pertinent. Tout est lumineux

La chance de Jean-Philippe Toussaint s'est aussi sa rencontre avec son éditeur Jérôme Lindon, le seul à avoir reçu favorablement son premier manuscrit "la salle de bain", le texte qu'il lui consacre est un petit bijou. Nous devons  confesser la relation de confiance qui nous lie avec les éditions de minuit, c'est la seule maison d'édition dont nous pouvons acheter un ouvrage sans rien savoir de son auteur de son histoire, juste parce que c'est un livre édité chez Minuit.

L'urgence et la patience est un livre court, un recueil de textes dont certains sont déjà parus dans des revues, d'autres sont inédits, mais le tout forme un ensemble cohérent. Vous aurez compris nous avons adoré!

vendredi 30 mars 2012

Oslo 31 aout - Joachim Trier

Oslo, 31 aout est le récit de la journée de Anders un toxicomane qui obtient de son établissement spécialisé, une autorisation de sortie pour aller se présenter à un entretien d'embauche. Il profite de cette journée pour renouer avec des anciennes relations, il abandonne son entretien d'embauche comprenant rapidement que sa place n'est pas dans ce journal, puis il finit par rejoindre une soirée où il espère retrouver son ami Thomas croisé en début de journée...
Inspiré par le roman de Pierre Drieu La Rochelle, "le feu follet",cette histoire est un  drame dont le héros est habité de pulsions suicidaires. Dans une des premières scènes du film, nous le voyons tenter de se noyer dans un lac les poches de sa veste lestées de pierres...Cette journée de liberté nous la voyons comme une noyade annoncée, il dit clairement à son ami Thomas que sa première pensée en sortant de son établissement fut de s'acheter une dose.
Joachim Traer suit son personnage au plus prés, les gros plans se succèdent, le regard de Anders tient une place centrale dans le film. Regard d'une intelligence vive mais totalement désespéré qui exprime parfaitement la douleur infinie qui habite notre personnage d'une sensibilité exacerbée...Il nous rappelle l'albatros de Baudelaire "ses ailes de géant l'empêche de marcher". Thomas son ami,  ancien compagnon des virées nocturnes installé dans une vie familiale convenue n'a pas su trouver les mots, sa sœur refuse de le rencontrer, elle préfère envoyer sa copine au rendez vous programmé, Iselin son ancienne petite amie partie à New-York ne décroche pas son téléphone. Anders est seul face au vide, il ne trouve aucune bouée de secours ...
Anders Danielsen Lie l'acteur principal est absolument prodigieux.

Louis Malle avait déjà réalisé une adaptation de ce roman avec Maurice Ronet comme acteur principal, c'est son chef d’œuvre. Joachim Trier n'a rien à lui envier, il réalise un film bouleversant qui est aussi un portrait de Oslo ville fascinante avec un petit coté provincial ennuyeux qui cache bien son jeu, on y découvre une vie nocturne intense. Nous avons aimé la première séquence clin d’œil au "je me souviens" de Georges Perec.

Oslo 31 août est un film bouleversant!

jeudi 29 mars 2012

La Rose Blanche, six Allemands contre le nazisme - Inge Scholl

Parce que le quatrième de couverture explique parfaitement le caractère essentiel de ce livre, nous le recopierons dans son intégralité:

Le printemps 1943. La bataille de Stalingrad venait de se terminer par la défaite des forces allemandes. Apparurent alors à Munich des affiches où on lisait:
"Ont été condamnés pour haute trahison:
Christoph Probst, 24 ans,
Hans Scholl, 25 ans,
Sophie Scholl, 22 ans.
La sentence a été exécutée."
Les trois étudiants décapités à la hache étaient, avec trois de leurs compagnons qui seront exécutés plus tard, les animateurs d'un mouvement de résistance, "La Rose Blanche", dont les munichois avaient pu lire les tracts depuis quelques mois.
Inge Scholl, sœur des deux premiers, raconte ici leur histoire: l'enfance en Bavière dans une famille protestante, l'entrée dans la jeunesse hitlérienne, puis, peu à peu, la découverte de la réalité nazie et, enfin , cette décision déchirante: la résistance contre leur propre pays en guerre.
"La vraie grandeur, écrit Inge Scholl, est sans doute dans cet obscur combat où, privés de l'enthousiasme des foules, quelques individus, mettant leur vie en jeu, défendent absolument seuls, une cause autour d'eux méprisée."
Ces six universitaires ont plus que personne contribué à sauver l'honneur de l'Allemagne. Pascal disait: " Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger." Nous devons croire celle-ci, entre toutes, aujourd’hui.

Nous souhaitons préciser le nom des trois autres compagnons qui furent par la suite condamnés à mort:
Kurt Huber (professeur de philosophie), Willi Graff (étudiant en médecine), Alexander Schmorell (étudiant en médecine).

Après le récit de Inge Scholl, nous retrouvons le texte des différents tracts rédigés par le groupe "la rose blanche" ,le propos est toujours juste, mesuré, ils sont l'expression d'une sagesse, d'un humanisme profond. Ce livre comme celui de Hans Fallada "Seul dans Berlin" nous rappelle qu'il existait une résistance intérieure en Allemagne qu'elle était réprimée durement. Les membres de la "rose blanche" n'ont tué personne , ils ont juste exprimé leur désir de liberté. Ils furent d'une dignité absolue jusqu'à leur dernier soupir.

Ce court récit se lit le temps d'un après-midi, ce combat pour des valeurs humanistes et le refus de la barbarie rend cette lecture indispensable. Le message des héros de la Rose Blanche est universel.

La Rose Blanche six allemands contre le nazisme - Inge Scoll (Les Editions de minuit)

mercredi 28 mars 2012

Mars - Fritz Zorn

C'était lors d'une émission littéraire où nous avons surpris Jean- Philippe Blondel exprimant sa gratitude à Bernard Pivot pour ses émissions littéraires passées qui lui avait permis de découvrir des auteurs durant son adolescence qui le marquèrent à tout jamais. Il cita notamment Mars de Fritz Zorn, Bernard Pivot l’œil pétillant confirma: " Quel livre!"

Alors nous avons eu la curiosité d'ouvrir ce livre, il débute ainsi:

"Je suis jeune et riche et cultivé; et je suis malheureux, névrosé et seul. Je descends d'une des meilleures familles de la rive droite du lac de Zurich, qu'on appelle aussi la rive dorée. J'ai eu une éducation bourgeoise et j'ai été sage toute ma vie. Ma famille est passablement dégénérée, c'est pourquoi j'ai sans doute une lourde hérédité et je suis abimé par mon milieu. Naturellement j'ai aussi le cancer, ce qui va de soi si l'on en juge d'après ce que je viens de dire. Cela dit, la question du cancer se présente d'une double manière: d'une part c'est une maladie du corps, dont il est bien probable que je mourrai prochainement, mais peut-être aussi puis-je  la vaincre et survivre; d'autre part, c'est une maladie de l'âme, dont je ne puis dire qu'une chose: c'est une chance qu'elle soit enfin déclarée. Je veux dire par là qu'avec ce que j'ai reçu de ma famille au cours de ma peu réjouissante existence, la chose la plus intelligente que j'ai jamais faite, c'est d'attraper le cancer."

C'est à une description clinique de sa névrose que s'attelle Fritz Zorn. Il commence par le récit de sa vie de famille qu'il considère à l'origine de son mal et nous voulons bien le croire tant la description est anxiogène dans ce milieu où il faut masquer ses émotions, n'exprimer aucune opinion juste son anticommunisme primaire. Nous sourions parfois à la lecture de ces pages avant de glisser vers la description de la dépression qui rend l'auteur asocial, totalement asexué. "Mon âme est castrée, je n'ai pas d'impulsions sexuelles, je ne puis éprouver de sentiments sexuels ni pour les femmes ni pour les hommes."

Le rire est le propre de l'homme énonçait Rabelais, l'auteur suisse en est privé: "un autre signe de la névrose est que je ne peux pas rire. Signe peut être un peu moins dramatique que celui qui a trait au sexe, mais qui n'en est pas moins accablant que cela."

Lorsque le diagnostic tombe, Fritz Zorn ne s'étonne pas de ce cancer qu'il considère comme "la simple illustration corporelle de son état d’âme"... cette volonté de faire de cette maladie la conséquence de ses états d'âme est assurément discutable au point de vue médical, mais nous comprenons le sens de son propos". C'est pour lui le début d'une renaissance; par le biais de cette maladie, il découvre son corps.

Fritz Zorn se sait condamné, sa vie fut un échec, il en fait le bilan, l'autopsie psychique avec une précision effrayante... C'est terrible, comme Bernard Pivot nous dirons simplement; "quel livre!"

mardi 27 mars 2012

His Girl Friday - Howard Hawks

Hildy Johnson (Rosalind Russell) revient une dernière fois dans le journal où elle travaillait  annoncer à son ex-mari et rédacteur en chef du périodique Walter Burns (Cary Grant) son futur mariage avec un agent d'assurance  et son départ pour Albany une petite ville provinciale. Mais celui ci ne s'en laisse pas conter, il engage le combat pour reconquérir celle qu"il n'a jamais cessé d'aimer...
Que Hildy soit partie nous le comprenons vite tant Walter Burns est insupportable. Cabotin, truqueur, totalement dévoué à son journal, toujours à la recherche du scoop, obnubilé d'avoir un coup d'avance sur le concurrent,il est capable du tout . Mais à voir comment il traite l'affaire du moment où l'opinion publique s’apprête à envoyer un pauvre homme à l'homme, nous découvrons son humanité... Il demande à Hildy de l'aider à sauver cet homme en exerçant une dernière fois son métier de journaliste.
Malin, il sait très bien que si Hildy renoue avec son métier et les montées d’adrénaline qu'il engendre, il lui sera difficile de partir vivre sa vie d'épouse partageant sa maison avec belle maman dans le calme de la vie provinciale...
C'est une des comédies les plus bavardes de l'histoire du cinéma, mais cela cause à un rythme effréné du début à la fin. Comme le dit Howard Hawks dans le livre d'entretien Hawks par Hawks de Joseph McBride: "Dans His girl Friday, c'est une bagarre du début jusqu'à la fin: Rosalind Russell n'avait pas du tout la partie facile. Il lui en faisait voir de toutes les couleurs." 
C'est une bagarre et Cary Grant  n'a rien d'un gentleman; pour arriver à ses fins, il est prêt à user de tous les subterfuges, il ne se refuse  aucun coup bas. Insupportable mais absolument craquant!
His girl friday est une comédie définitivement irrésistible!

dimanche 25 mars 2012

Fredo Viola - The turn

Parce que nous avons dit la semaine dernière que les femmes nous semblaient les plus novatrices dans le domaine de la pop musique, nous avons choisi de mettre à l'honneur l'album de Fredo Viola The turn pour rééquilibrer notre propos. Sublime album réalisé en solo avec son ordinateur portable où les voix a capella se mélangent magnifiquement. L'album de Fredo Viola a déjà trois ans mais nous nous en sommes toujours pas lassés, sa musique est intemporelle... Il convient d'aller faire un tour sur son site passionnant www.fredoviola.com.

The turn est notre album de la semaine!

samedi 24 mars 2012

Thomas Fersen en Concert

Thomas Fersen fit souffler un vent de fraicheur sur la chanson française dans les années 90 avec son premier album Le bal des oiseaux. Le rond des carottes, le jour du poisson et quatre qui allaient suivre confirmaient le talent du Monsieur.... puis nous nous sommes quelque peu lassés.... Mais si le bonhomme ne fait pas partie de notre panthéon des chanteurs français nous restions convaincus que c'est sur scène qu'il s'exprime le mieux...
Nous sommes allés le vérifier ce soir, et après deux chansons tirées du dernier album "je suis au paradis", le chanteur en tenue de dandy a mis la salle dans sa poche avec une chauve souris devenue un classique, jouée de manière particulièrement relevée. Des paroles remplies d'humour, Thomas Fersen aime jouer avec son public sans jamais être cabotin. Un homme qui n'a pas oublié que c'est dans notre chère ville de Clamart que le grand Charles a failli être transformé en passoire!
Thomas Fersen est un chouette chanteur, nous sommes repartis de bonne humeur. C'était un vrai bonheur!

Possessions - Eric Guirado

Librement inspiré d'un fait divers, Possessions de Eric Guirado suit la trajectoire d'un jeune couple (les Caron) et de leur petite fille Morgane. Issus d'un milieu populaire, ils ont quitté le Nord pour venir s'installer dans une station des skis des Alpes où Bruno le père a trouvé un emploi dans un garage. Leurs nouveaux propriétaires, les Castaing  ne peuvent les installer dans le chalet prévu ,au prétexte de retard dans les travaux,  ils vont les promener d'une habitation à une autre. Le luxe affiché par les Castaing humilie le jeune couple qui ne trouve jamais sa place dans ce village huppé des Alpes. Ils sont pourtant rejoints par un couple d'amis, mais rien n'y fait, le ressentiment ne fait que s'accroitre . Parce qu'il veut montrer à sa femme  qu'il est capable de prendre les choses en mains, Bruno Caron se lance dans une expédition contre les Castaing, les membres de la famille sont exécutés...
Par son traitement du fait divers, nous aurions pu penser au livre de Emmanuel Carrére "l'adversaire", mais c'est de "la cérémonie" de Claude Chabrol que nous avons envie de rapprocher ce film . Parce que ce fait divers est ancré dans nos mémoires, nous connaissons l'issue tragique du film. Mais là où Chabrol avait fait un film intemporel, le qualifiant lui même de film marxiste; celui de Guirado est ancré dans son époque, il est beaucoup moins politique même s'il décrit une relation de propriétaire locataire ou patron employé quand Maryline Caron vient faire le ménage chez les propriétaires. Il fait ici le constat de la société de consommation et de la violence qu'elle peut engendrer. Il n'y a qu'a voir cette permanence de la télévision allumée bombardant littéralement le cerveau de Morgane de publicités.
Il n'y a pas tant de différences entre les deux couples qui ont quelque part les mêmes désirs de consommation.... Mais l'un a su accéder à ce qui peut ressembler au summum de la réussite quand l'autre n'est que spectateur frustré... Et si la vie de la famille Castaing semble idéale c'est parce qu'on ne la voit qu'à travers le regard des Caron.

De Eric Guirado, nous avions déjà beaucoup aimé le premier film "le fils de l'épicier", filmé magnifiquement en Ardèche, véritable hymne au retour à la terre. Ici il est toujours aussi proche de la nature mais elle est devenue terriblement oppressante. Le héros de son premier film quittait Paris pour retrouver sa région d'origine, ici le déménagement mène le couple dans un milieu dont il ignore les codes. Si ce film n'a pas la force de la Cérémonie de Claude Chabrol, c'est néanmoins une réussite. Il nous fait comprendre sans nous la montrer l'horreur de la tragédie, dans un final totalement maitrisé. Les acteurs dont Jérémie Rénier et Julie Depardieu sont particulièrement convaincants.

vendredi 23 mars 2012

The Nino's chantent Nino Ferrer

Nino Ferrer fait partie de ces chanteurs dont nous ne possédons aucun album mais dont les chansons font partie intégrante de notre mémoire. Véritable artisan de la chanson, inspiré par les sonorités du blues et du jazz qui ont illuminé sa jeunesse , il fut le créateur d' une série de tubes indémodables Mirza, Ho! He! Hein! Bon, les cornichons, Gaston, Le sud et bien d'autres. Dés les premières mesures nous reconnaissons sans peine ses airs qui font définitivement partie du patrimoine national..
.Le trio composé de Laurent Madiot, Benoît Simon et Tom Poisson a décidé de revisiter le répertoire du chanteur franco italien, d'une manière joyeuse et ludique pour offrir un spectacle réjouissant plein de bonne humeur faisant la joie du public dés le plus jeune âge...
Nino Ferrer était un grand monsieur, il méritait ce bel hommage à l'humeur festive!

Spectacle vu dans le cadre du festival Chorus des Hauts de Seine

dimanche 18 mars 2012

La taupe - Tomas Alfredson

Après l'échec d'une mission à Budapest, le patron du MI5 Control est renvoyé ainsi que son fidèle lieutenant George Smiley. Les autorités ont la certitude qu'une taupe est infiltrée dans le service, Control avait d'ailleurs réduit le nombre des suspects à cinq personnes. Smiley est contacté secrètement pour découvrir la taupe... il reprend du service!
Adapté d'un roman de John Le Carré, ce film nous replonge dans la guerre froide et le mythe des agents doubles, reconstitution parfaite dans un temps,les années 70 où les techniques d'espionnage sont minimales ... Nous sommes loin de Jason Bourne et du film d'action, les espions sont habillés en Tweed, ils semblent mener une vie de bureau plutôt tranquille. Nous avons du mal à reconstituer l'histoire, mais les différents morceaux du puzzle nous sont donnés, nous finissons par retomber sur nos pattes. Gary Oldman est parfait, Colin Firth également mais soulignons la performance Tom Hardy qui apparait dans les meilleures scènes du film à Istanbul où il incarne un espion qui a le mauvais réflexe de tomber amoureux. Ce que révèle ce film, c'est le coté vain de cet espionnage de la guerre froide où de nombreux moyens sont engagés pour des résultats plutôt hasardeux mais si le  travail du renseignement a tout d'un travail d'équipe, chaque espion semble confronté à sa propre solitude et à ses secrets qu'il ne peut partager, ce n'est pas très glamour. Réalisateur suédois, Tomas Alfredson a parfois une vision qui peut tendre au cliché, un flegme britannique à toute épreuve, un goût immodéré pour le whisky ... mais ne chipotons pas, il réussit parfaitement ce qui peut s'apparenter à un exercice de style, l'adaptation d'un roman de John  Le Carré.

Narrow - Soap & Skin

Soap & Skin c'est une jeune fille autrichienne Anja Plaschg qui part sa reprise réussie de Janitor of Lunacy revendiquait dés ses débuts sa filiation avec Nico . Avec ce deuxième album, elle confirme qu'elle n'était pas qu'une simple météorite , tout le talent affiché dans Lovetune for vaccum est ici confirmé dans cet album sombre où elle rend un hommage vibrant à son père disparu brutalement. C'est un disque de deuil  comme pouvait l'être Franky Knight le dernier album d'Emilie Simon. Pianiste, violoniste, les compositions de la jeune fille à la voix intense expriment clairement son désarroi, elle signe le premier grand album de l'année 2012!

C'est pour nous toujours un bonheur de voir une nouveauté venue d'Autriche qui fut le cœur européen au début du XX°, pour devenir un petit pays rabougri et replié sur lui-même.... Anja Plasch nous rappelle par son talent, son ouverture d'esprit qu'il convient de ne pas réduire son pays à ses skieurs intrépides et ses petits nazillons qui viennent régulièrement occuper l'espace médiatique. Il y a encore de la vie en Autriche

Nous n'en avons pas fini avec Soap & Skin, c'est assurément le début d'une grande histoire de la pop musique tant le talent de cette dame est évident...Si on se retourne sur les productions de ces derniers mois (Kate Bush, Emilie Simon, Camille, Mansfield Tya, Soko...) le talent  dans la pop musique se conjugue  clairement au féminin!

Narrow de Soap & Skin est notre album de la semaine !

vendredi 16 mars 2012

Meine Kältekammer (ma chambre froide) - Joël Pommerat - Puppentheater Halle


(Photo Angela Baugmart)



Ma chambre froide est la chronique d'un magasin où les employés doivent subir les assauts de leur patron. Harcèlement moral, sexuel, il n'y a aucun doute sur les qualifications juridiques du comportement de Blocq. Mais lorsque ce dernier découvre qu'il est atteint d'un mal incurable, il préfère céder les parts de  sa société à ses  employés  qu'à sa famille qu'il déteste. En contrepartie, ceux ci devront consacrer annuellement une journée à honorer sa mémoire, Estelle une de ses employés propose de monter un spectacle qui retrace les grands évènements de sa vie. Ainsi le groupe des "héritiers" se retrouve non seulement propriétaire du magasin mais également d'une cimenterie, d'un abattoir, et d'un bar de luxe qui se révèle être très rapidement un bar à putes.

Face à leurs nouvelles responsabilités, il leur faut prendre des décisions dans la gestion, prévoir l'avenir, ils se retrouvent désarçonnés,  confrontés rapidement aux difficultés,  quand en plus il leur faut préparer un spectacle pour ne pas rendre caduque le contrat...
Découpés en séquences ce qui donne un aspect mécanique au récit comme si les événements se déroulaient dans une suite logique et implacable sans aucun espace de liberté pour les différents protagonistes , cette histoire peut être vue comme celle du capitalisme, c'est l'histoire d'une aliénation. C'est sombre et  pessimiste, totalement désespérant. Parmi ces personnages se dégage Estelle une sorte de sainte du travail, toujours prête à secourir ses camarades, femme courage qui subit en silence les coups de son mari, chacun en profite pour lui refiler ses corvées. Mais derrière ce visage d'ange se cache un personnage bien plus complexe à la personnalité double révélant une fascination pour le mal.
Ils finiront par céder toutes les parts de leur société sans en tirer profit, pour revenir à leur condition première.
Passionnante rencontre que celle entre Joel Pommerat et sa compagnie "Louis Brouillard" et le Puppentheater de Halle de Christoph Werner. L'écriture contemporaine ancrée dans la réalité sociale de Joel Pommerat trouve toute sa place dans ce théâtre où les marionnettes se mélangent au jeu des acteurs, il renouvelle totalement le genre. Les marionnettes hyper réalistes se confondent parfaitement aux acteurs et très rapidement nous ne les distinguons plus  des possibilités infinies au metteur en scène, notamment pour rendre compte du monde onirique de Estelle. Les sous titres idéalement placés sur le plateau ne sont pas un problème pour ceux qui comme nous ne connaissent pas la langue allemande. C'est un spectacle d'une grande beauté qui montre combien le théâtre est un art vivant portant  un  regard sans concession sur notre époque, Joel Pommerat en est un de ses grands auteurs.

C'est avec grand plaisir et une certaine impatience que nous nous rendrons aux ateliers Berthier du Théâtre de l'Odéeon pour assister à la version mise en scène par Joel Pommerat de la compagnie Louis Brouillard.

jeudi 15 mars 2012

Faute d'identité - Michka Assayas

Michka Assayas est un journaliste, écrivain, reconnu principalement pour son travail comme critique rock. Il a notamment dirigé l'écriture d'un dictionnaire du rock qui fait référence,  il signa également  un livre d'entretien avec son ami  Bono le chanteur de U2. Il est le jeune frère de Olivier Assayas,  cinéaste majeur du cinéma français.
 Tout va bien , pourrions nous dire? Oui pas de vrai souci, une vie heureuse jusqu'au jour où Michka Assayas perd son passeport, précieux sésame qui lui permet de voyager, d’exercer son métier. A la suite de cette perte, il plonge dans un monde kafkaïen où il se retrouve confronté à l’inanité des lois sur la nationalité dont les premières furent signées par Charles Pasqua.
Parce que ses deux parents ont obtenu la nationalité française par naturalisation, son père juif de Constantinople, sa mère chrétienne calviniste venue de Hongrie après guerre dans la même démarche que le père de Nicolas Sarkozy, il lui faut apporter la preuve à l'administration française qu'il est français. Suis je français? Cette question il ne se l'était jamais posé tant la réponse lui semblait naturelle!
Si ses parents ont choisi la France comme pays d'adoption, c'est qu'ils avaient une haute opinion de notre République garante des Droits de l'Homme. Ils ont obtenu la nationalité française parce qu'ils en avaient le désir profond.

"Je repense à une formule que mon père avait un jour écrite dans un des cahiers à spirale où il tenait son journal intime. Lui qui avait grandi à Milan au sein d'une famille dont les origines s'étendaient du Caire à Salonique, avait été le premier à s'établir en France; il avait reçu la nationalité française à la suite d'un décret collectif concernant les "protégés français" en 1932. Il s'inquiétait de tout ce qui pouvait le renvoyer à des origines juives qu'il avait fuies. Il s'était d'ailleurs inventé un nom français pour le cinéma: Jacques Rémy. Mais j'anticipe. Sa première ambition , pour mon frère et moi, était qu'on ne nous distingue pas des autres français, que nous soyons transparents, une chance qu'il n'avait pas eue: Mes enfants, eux, seront noyés dans la masse", écrivit-il un jour, se réjouissant. De ce point de vue, son souhait a été accompli. Du moins le croyais-je."

Oui mais voila comme lui répond succinctement un fonctionnaire quand il s'étonne des démarches qui lui sont demandées alors que ce fut si simple jusqu'à maintenant: "les règles ont changé".

" J'ai pris un formulaire et j'ai rempli, sans y penser, comme à l'école, les cases "date et lieu de naissance des parents". Nom de père: Assayas, prénom: Raymond né le 21 juin 1911 à Istanbul, nom de jeune fille de la mère: Polya, prénom: Catherine; née le 1er septembre 1919 à Budapest. Un employé a tout de suite regardé ce que j'avais écrit et m'a rendu le papier en me disant que ça n'irait pas. Pourquoi? mes deux parents étaient nés à l'étranger et , dans ces conditions, la demande de renouvellement de mon passeport ne pouvait aboutir. Il m'a tendu un autre formulaire indiquant l'adresse d'un "pôle de la nationalité française"......"

De cette mésaventure nait un merveilleux livre où Michka se retourne sur son enfance, ses parents, ses origines, cela se lit d'une traite, c'est un magnifique récit qui nous rappelle parfois le film de son frère ainé "l'eau froide"... Mais ce qu'il reste c'est une blessure, une humiliation, ....

 "J'ai attendu un an avant d'avoir ce passeport. Mes parents ont été naturalisés, ils étaient très fiers d'être français. Maintenant que j'ai ce passeport, je peux voyager. Mais je peux vous dire que plus jamais, de ma vie, mais alors jamais, je ne demanderai à avoir une carte d'identité, parce que le pays dans lequel j'ai grandi n'existe plus."

Un livre essentiel en ces temps troublés.... 

mercredi 14 mars 2012

Pierre Schoendoerffer (05/05/1928 - 14/03/2012)

La littérature est pour certains jeunes une source d'inspiration. Joseph Conrad, Jack London, Herman Melville ou Joseph Kessel furent en partie les responsables de la décision de Pierre Schoendoerffer lui qui n'avait jamais vu la mer de s'engager sur un chalutier à voile dés son plus jeune âge. Après cette expérience, désireux de faire du cinéma mais sans carnet d'adresses, il s'engage dans les services cinématographiques de l'armée. Son engagement le mène dans la cuvette de Dien Bien Phu où il fut fait  prisonnier.
C'est le type même d'expérience qui vous marque à jamais. En Indochine, il fait une rencontre essentielle avec le photographe reporter Raoul Coutard qui allait devenir par la suite un grand nom du cinéma, le chef opérateur de Jean Luc Godard, un compagnon de route de la nouvelle vague, mais aussi une vraie tête de cabochard.
Raoul Coutard est bien évidemment derrière la caméra quand Pierre Schoendoerffer réalise la 317° section, film nourri de son expérience indochinoise. Sans aucun doute nous pouvons citer ce film aux cotés des chefs d’œuvres d'Anthony Mann Men in war ou de Samuel Fuller The big red one
Le cinéma de Pierre Schoendorffer a pu exister grâce à Georges De Beauregard un de ces producteurs un peu fous, véritable amoureux du 7eme art. 

La bataille de Dien Bien Phu commença le 13 mars 1954, mourir en cette date anniversaire n'est surement pas fait pour lui déplaire.

dimanche 11 mars 2012

Le crunch 2012

Pas très craquant le crunch 2012, où les français ont ouvert à trois occasions les portes aux tendres anglais. Ils ne se sont pas faits prier longtemps pour aller aplatir le ballon dans notre en but en deux passes. Tuilagi , Foden et le puissant troisième ligne Croft sont les héros du jour... Le haut niveau ne plaisante pas, la moindre défaillance est sanctionnée au tableau d'affichage. Nous n'avons pas  proposé grand chose au niveau du jeu, Wesley Fofana seule nouvelle réjouissante de ce tournoi dans les rangs français venant aplatir en fin de rencontre le ballon  pour réduire le score et nous laisser croire  à un possible renversement de dernière minute...

Que c'est triste de perdre le crunch, surtout que les anglais n'avaient rien d'impressionnant à nous proposer. Mais les prochaines années pourraient s'annoncer difficile au vu de la performance de leur jeune demi d'ouverture Farrel... Ils ont déjà fait le deuil de Johnny Wilkinson, ils se sont peut être découverts une petite merveille qui n'a plus qu'à murir pour endosser le costume de bourreau lors des prochaines années.

Nous avons entendu monter des tribunes Swing Low, Sweet Chariot, ... chant funèbre qui résonne toujours aussi mal à nos oreilles!

C'était un petit crunch! (France 22 - Angleterre 24)

Les fragments - The misfits ... après midi Marilyn Monroe

Quelle bonne idée d'inviter Bernard Comment éditeur des "fragments" de Marliyn Monroe. L'histoire de ce livre est passionnante,au hasard d'un diner Bernard Comment a été contacté pour consulter les archives personnelles de Marilyn que détient la famille de Lee Strasberg le célèbre professeur de théâtre de l'Actor Studio, choisi par Marilyn comme héritier. Alors que l'épouse de Stadsberg aurait pu accepter un pont d'or proposé par des éditeurs américains, elle préfère la démarche littéraire de l'éditeur français qui propose un vrai travail d'édition respectueux qui révèle une facette inconnue de l'actrice, bien loin des clichés véhiculés. Il faut saluer l'éthique de la famille Stradsberg refusant un chèque en blanc et préférant un travail de qualité et n'ayant  pour exigence que le prix du livre soit au plus bas, parce que Marilyn appartient à tous.

Les misfits est un film maudit,  les trois acteurs principaux Marylin Monroe, Clark Gable et Montgomery Clift allaient mourir peu de temps après le tournage, seul Elli Wallach échappe à la malédiction.  Scénario écrit par Artur Miller qui sur les conseils d'Elia Kazan reprend une nouvelle précédemment écrite. Alors que son couple bat de l'aile, le dramaturge new-yorkais a l’indélicatesse d’intégrer des éléments de la vie personnelle de l'actrice. Rosalyn débarque à Reno pour divorcer en moins de deux, elle croise un garagiste qui la présente à un éleveur, à son contact ces hommes découvrent la misère affective de leurs vies, l'Amérique ne produit pas que des gagnants, nous sommes loin de l'American Way of Life,... C'est peut être là le plus beau rôle  de la filmographie de Marilyn, mais nous n'avons pas une grande admiration pour le cinéma de John Huston qui surjoue la dramatisation des scènes avec notamment une musique envahissante et  nous nous ennuyons parfois malgré le jeu parfait des acteurs, les Misfits est assurément un grand film malade ... John Ford et John Huston ne pouvaient pas se sentir, nous avons choisi notre camp nous restons des "fordiens" convaincus...

Camille - Ilo Veyou

Camille n'est jamais passée inaperçue, choriste chez Jean-Louis Murat ou participant au premier projet de Nouvelle Vague, elle a toujours irrésistiblement attiré la lumière. Après un premier album "le sac des filles" plutôt conventionnel, elle réalise un parcours sans faute où chaque nouvelle production est l'occasion pour elle de s'ouvrir une nouvelle porte. Servie par une voix extraordinaire, nous sommes impressionnés par l'intensité de son chant,  c'est tout le corps qui participe à la prestation.
Quand Camille chante, le silence s'impose, c'est toujours un moment rare de beauté et d'émotion... Elle est assurément une grande dame de la chanson française!

Ilo Veyou est notre album de la semaine.

samedi 10 mars 2012

Bullhead - Michael R. Roskam

Le cinéma belge est plus largement la Belgique est pour nous une source assurée de dépaysement. Ce film ne déroge pas à la règle même si nous  devons le considérer plus flamand que belge mais qu'importe, il est assurément le premier de l'histoire du cinéma à raconter une histoire maffieuse dans le monde rural. C'est en quelque sorte "Scorcese à la campagne", ici l'objet du trafic n'est pas la cocaïne mais les hormones de croissance inoculées aux bovins. Et comme dans "les affranchis", Jacky Vanmarsenille le personnage principal a la faiblesse d'être aussi un consommateur du produit objet du trafic. 
Nous découvrons l'origine de cette faiblesse dans un flash-back qui nous renvoie à sa jeunesse , et nous révèle un secret qui explique sa nature renfermée et violente...Nous avons alors toutes les clés pour comprendre la complexité de ce personnage qui derrière un physique de molosse cache une véritable fragilité. Sa blessure fait de lui un "monstre", un corps transformé par la prise toujours plus importante de médicaments nous renvoie à la figure mythique du minotaure, il finit par exprimer de plus en plus brutalement sa violence enfouie depuis de longues années.
Lorsque ce passé ressurgit à la figure du héros comme une malédiction, nous basculons dans un monde oppressant où seul un duo improbable de garagistes wallons  vient jouer le rôle de soupape, la folie est en marche, la tragédie suit son cours... 
Film maitrisé de bout en bout, Michael R. Roskam révèle un vrai sens du récit, servi par une interprétation absolument remarquable de Matthias Schoenaerts il signe un vrai film noir, un genre majeur  du cinéma.

Bullhead est une tragédie flamande, un film remarquable!

vendredi 9 mars 2012

Norma Jeane - John Arnold


Nous étions dubitatifs à l'idée de voir le texte "Blonde" de Joyce Carol Oates adapté au théâtre. Trop volumineux, trop dense,  il nous semblait impossible de restituer toute la richesse de ce "monstre" littéraire sur les planches du théâtre, d'incarner Marylin sans la trahir.... John Arnold nous l'imaginons un peu fou pour se lancer dans un tel projet ,mais ne nous trompons pas le roman de Oates est avant tout pour le metteur en scène une source d'inspiration, il ne cherche pas à nous en proposer une adaptation fidèle. Nous sommes ici dans un conte moderne où celle qui semble promise à un destin de Cendrillon voit sa vie partir en vrille... Certes par moment nous avons eu comme l'impression d'assister à une lecture accélérée de l'ouvrage, d'entendre ici où là le bruit des ciseaux coupant le texte  Mais broutilles, tant ce spectacle total nous a tenu en haleine durant trois heures. Surement servi par son passage chez Ariane Mouchkine, avec finalement peu de moyens, John Arnold nous plonge dans la vie de Norma Jeane, dévorée par Marylin, personnage fabriqué par les cyniques requins de Hollywood. Cela aurait pu être oppressant, mais les variations de ton, les traits d'humour permettent au spectateur de respirer et de ne pas plonger avec l’icône blonde...
Le spectacle s'ouvre sur la mort de l'actrice, étendue, recroquevillée, les officiels dissertent sur les causes de du décès: suicide, crime... Cette introduction terminée, le récit commence avec l'enfance tragique de Norma Jeane, le drame est déjà là!
Les acteurs sont tous formidables, obligés d'interpréter divers rôles pour donner vie aux multiples personnages, ils peuvent parfois donner une image caricaturale sans tomber pour autant dans le piège de l'imitation d' Arthur Miller, de Jo Di Maggio ou JFK. Mais loin d'être gênantes, ces caricatures renforcent le coté conte voulu par le metteur en scène. Il y a parfois du Tex Avery dans ce spectacle!
Marion Malenfant jeune actrice révèle un vrai talent, elle ne partage avec la star que la blondeur et la peau diaphane, mais sa non ressemblance n'est jamais un problème, par magie elle incarne Marylin  à tous les âges avec une crédibilité incroyable, elle privilégie le coté enfant éternel de Norma Jeane au Sex Appeal de Marylin...
Nous avons aimé Norma Jean, victime de tous les maux de l'Amérique, mais finalement sauvée par les mots de Joyce Carol Oates qui lui rend enfin sa dignité de femme piétinée tout au long de sa vie par les hommes.

jeudi 8 mars 2012

Mon Antonia - Willa Cather

Mon Antonia est le récit de Jim Burden qui a grandi dans le Nebraska, élevé par ses grands parents à la suite du décès de ses parents. Lors du voyage qui le mène chez ses Grands Parents, il fait la rencontre de ses futurs voisins, une famille tchèque et plus particulièrement une jeune fille Antonia. Antonia, il va grandir à coté d'elle mais ils n'auront pas le même parcours, il suit une formation scolaire alors que la jeune fille se consacre au travail de la terre avant d'être placée comme bonne dans des familles bourgeoises de la ville voisine. Jim réussit ses études qui vont le mener jusqu'à Harvard , pour autant il reste fidèle à ses amitiés de jeunesse et Antonia garde toujours une place à part dans son cœur... c'est un récit d'une grande humanité, au final éblouissant.
Mais Mon Antonia c'est aussi des personnages secondaires absolument remarquables, Lena, Tiny, des jeunes filles éprises de liberté qui ne rêvent pas de mariage vu comme une entrave, par leurs initiatives elles  deviennent les seules décisionnaires de leurs vies.
C'est parce que nous avions le désir de repartir dans l'Amérique des émigrants, après le Minnesota de la saga  de Vilhelm Moberg nous voila dans le Nebraska patrie de Willa Cather. Les différentes communautés européennes, Tchèque, Russe, Norvégien...sont  confrontées aux rudesses de la nature,la vie est dure, la nostalgie des temps anciens n'est jamais loin.  L'Amérique, c'est aussi pour ces nouveaux arrivants une promesse de liberté et d'espérance...

Willa Cather c'est une découverte que nous devons à Mathieu Lindon qui en parlait avec enthousiasme dans son roman "ce qu'aimer veut dire". Ecrivain majeur du début XX° qui avait pour admirateur, William Faulkner ou Sinclair Lewis, Willa Cather doit être lue, sa vision de la femme d'une grande modernité, son sens du récit en font définitivement une figure majeure de la littérature américaine. 

dimanche 4 mars 2012

Fisherman's blues - The Waterboys

Une envie soudaine de ressortir cet album de 1988, où le groupe de l'écossais Mike Scott  réalise son album le plus populaire. Mélange de rock, de folk, de musiques celtes, cet album est une synthèse réussie de toutes ces influences, guitares, violon omniprésent de Steve Wickam, des cuivres... c'est un vrai Big Band nous livrant une musique nourrie de références littéraires et musicales irlandaises à écouter avec un plaisir jamais démenti en cette période de pré printemps.

vendredi 2 mars 2012

Blonde - Joyce Carol Oates

Blonde, malédiction hollywoodienne... " Sugar kane ne fût qu'une caricature sexuelle dans une énième farce sexuelle imaginée par des hommes pour des hommes pour le divertissement des hommes" Sugar Kane incarnée par Marilyn Monroe dans ce qui est peut être son plus grand succès: Some Like it Hot...
Là est le drame de Norma Jeane Baker dont la vie fut confisquée par les requins d'Hollywood pour en faire une icône planétaire Maryline Monroe,  tout en la considérant  comme une grue sans jamais revoir leur jugement premier. Elle incarne toutes les violences faites aux femmes, droit de cuissage, salaire de misère, exploitation....C'est l'histoire d'une star planétaire qui n'a jamais obtenu son indépendance financière parce que volée par les producteurs, sous payée dés cette première de séance photos où elle pose nue pour un salaire de misère 50 $.

Blonde n'est pas la  biographie de Norma Jeane Baker,  il n'y aucune recherche de la vérité au sens historique du terme, Carol Joyce Oates invente ici une nouvelle forme de littérature, elle cherche à nous livrer quelque part le monde vu par l'actrice, à travers ses peurs, ses joies, ses espérances, ses névroses... 
Nous ne dévoilerons pas grand chose de ce pavé de 1100 pages où nous glissons dans l'esprit de Norma Jeane Baker dévorée par Marylin Monroe.... C'est l'histoire d'une chute, d'une femme condamnée à la solitude, aux drogues, à la tragédie ...

Des rencontres avec des hommes. Deux enfants de stars. Charlie Chaplin et Edward G. Robinson; paumés dévorés par la gloire de leurs pères respectifs  avec qui elle forme un trio improbable. Joe Di Maggio l'ex sportif qui cherche à faire de la vedette "une mama", il envoie chez sa mère pour qu'elle lui transmette ses secrets de la cuisine italienne, mais jaloux, incapable de supporter la scène culte de Sept ans de réflexion où la robe de l'actrice s'envole au dessus d'une bouche de métro, le couple se  dissout . Artur Miller le dramaturge, le seul  au comportement honorable, à chercher à comprendre cette femme pour qui il va écrire le scénario de "the misfits", il la considère mais il arrive trop tard dans sa vie, "Il ne m'aime pas. C'est une chose blonde dans sa tête qu'il aime"... Enfin JFK, immonde personnage usant de la star comme d'une prostituée sans aucune considération il précipite la chute...

Tout est romancé ici mais nous nous sommes jamais senti aussi près de la vérité de cette femme inquiète de glisser dans la folie qui a frappé sa mère, schizophrène, paranoïaque, condamnée à l’hôpital psychiatrique. Nous la suivons de sa plus tendre enfance à cette dernière nuit dramatique.

Ne vous attendez pas à un essai cinématographique, Howard Hawks absent tout comme Joseph L. Mankiewicz. John Huston, Billy Wilder, George Cukor sont réduits à leur simple initiale, H, W et C... Chaque fois méprisée par les metteurs en scène, elle les bluffe par une présence exceptionnelle, elle irradie littéralement la pellicule. Perfectionniste, anxieuse, elle réclame sans cesse une nouvelle prise, elle use la patience de ses partenaires, aucun ne semble comprendre les angoisses de celle qui reste hantée à jamais par les différents personnages qu'elle a eu à incarner.

C'est un livre politique féministe où le regard sur l'Amérique est sans concession. C'est un roman unique en son genre, une épopée tragique, un monument de la littérature assurément... un chef d’œuvre !

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