mardi 27 août 2013

Portnoy et son complexe - Philip Roth

Un lecteur digne de ce nom devrait refermer aussitôt ouvert le roman de Philip Roth, Portnoy et son complexe, quand il découvre ce qui devrait rester secret, la confession faite à un psychothérapeute. Mais faisant fi de toute forme d'éthique, le lecteur indélicat, voyeur se rend vite compte qu'il est  impossible de décrocher de cette confession intime à travers laquelle Philippe Roth sublime conteur fait un portrait au vitriol de la communauté juive au sein de laquelle il a grandi. 

Dés l'incipit la puissance de la mère juive est révélée:
"Elle était si profondément ancrée dans ma conscience que, durant ma première année d'école, je crois bien m'être imaginé que chacun de mes professeurs était ma mère déguisée. Lorsque la dernière sonnerie de cloche avait retenti, je galopais vers la maison et tout en courant me demandais si je réussirais à atteindre l'appartement avant qu'elle ait eu le temps de se retransformer en elle-même. Invariablement, à mon arrivée, elle était déjà dans la cuisine en train de me préparer mon lait avec des gâteaux secs."

Enfant brillant, Portnoy n'est pas pour autant épanoui, subissant l'omniprésence de sa mère et les contraintes religieuses qui  obligent à vivre dans le monde clôt  de sa communauté. Dés son plus jeune âge, il se dresse contre la loi, il affirme un goût prononcé pour la transgression, s'attirant sans cesse le courroux de sa mère... Portnoy n'en peut plus, il étouffe de cette petite vie familiale avec son père petit agent d'assurance, et sa mère  redoutable gardienne du foyer. Il explose à l'adolescence, se réfugiant dans des séances effrénées de masturbation, il s'enferme dans la salle de bain, dans les toilettes, chaque instant libre est utilisé à "s'astiquer le manche", répandant même à l'occasion sa semence  dans les dessous de sa sœur... Puis l'age adulte venant, Portnoy haut fonctionnaire à New-York, se fixe sur les filles goys, un titre de chapitre ne faisant aucune cachoterie sur les gouts du héros: "fou de la chatte".
Une relation plus longue s'engage avec une fille qui est tout son contraire, goy, inculte, affichant un évident mauvais goût, il la surnomme sans aucune affection le singe. Le monde de Portnoy semble sans issue, il se noie dans ses névroses.
Il s'envole vers Israël peut être une issue de secours...

Le roman peut choquer, pour autant il ne doit pas être vu comme un objet nouveau dans l'histoire littéraire américaine, il se situe dans la lignée de celui que Roth considère comme son maitre Saul Bellow. Une confession qui ne suit pas une chronologie linéaire sans jamais nous perdre où comme le synthétise si bien Tanguy Viel dans son dernier roman la disparition de Jim Sullivan, le personnage de Roth bascule sans cesse de l'homme de raison à la bête sauvage et concupiscente...
Mais derrière ce personnage et ses névroses, Philip Roth pose la question sur ce qu'est être juif, ou peut-on échapper à sa judaïté? Nous nous rappelons cette pensée de Jean-Paul Sartre dans "Réflexions sur la question juive", énonçant que c'est l’antisémite qui fait le juif, un antisémitisme qui empêche  Portnoy qui ne croit pas, de renoncer à sa condition, de s'en émanciper.

Philip Roth a déclaré qu'il n'écrirait plus de romans, nous, nous ne cesserons pas de lire les romans de Philip Roth.

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