samedi 2 mai 2015

Le labyrinthe du silence - Liugio Ricciarelli

Les procès de Nuremberg terminés, la chasse aux criminels des nazis s'est arrêtée. La priorité pour les Américains en accord avec les dirigeants allemands est de reconstruire dans les meilleurs délais un état  démocratique pour faire face à la menace communiste, pour cela il convient de tourner la page  et  ne pas regarder le passé des gens. Une situation intenable lorsque des victimes se retrouvent inopinément face à leurs bourreaux . C'est ainsi que s'ouvre le film de Liugio Riccarelli,1958 Francfort, un homme cherche du feu, un inconnu lui tend son briquet, il découvre alors une main mutilée , celle d'un bourreau d'Auschwitz devenu professeur... Il tente de dénoncer le scandale auprès du tribunal  avec l'aide d'un journaliste, en  vain... Pas tout à fait,  un jeune procureur s’intéresse à la question, il obtient le soutien du procureur en chef... Il ouvre une enquête et découvre la réalité des camps dont il ignore tout comme toute la jeunesse allemande. De nombreux obstacles et réticences bloquent son travail mais il tient bon même s'il doit renoncer à l'idée de procéder à l'arrestation trop complexe de Josef Mengele qui faisait alors régulièrement des voyages en toute impunité en Allemagne pour retrouver sa famille. En 1963 a enfin lieu ce que les Allemands appellent le procès d'Auschwitz permettant enfin à la démocratie allemande d'appréhender son passé nazi et les responsabilités de chacun.
Un scénario particulièrement solide qui permet à ce film de captiver malgré les faiblesses de son réalisateur qui filme sans finesse cette histoire où l'on voit par moments  "des coups de surligneur" portés sur les points importants du texte. Il a aussi  une volonté de reconstituer l'esthétique de la fin des années  50 à la façon Mad Men, le coté vintage du film s'il n'est pas sans charme finit par devenir un peu  encombrant.
Ce qui est passionnant  c'est de rappeler le rapport qu'ont eu dans l’après guerre les Allemands avec leur passé immédiat. Lorsque les jeunes gens sont interrogés, Auschwitz ne leur évoque rien, parfois ils sont capables de dire que c'était un camp durant la guerre où certes les conditions de vie étaient rudes et le régime de surveillance sévère sans en mesurer toute l'horreur et la dimension du crime. Cette occultation fut peut être alors une nécessite pour pouvoir reconstruire le pays, mais il ne pouvait pas perdurer.
Le procureur, enfant durant la guerre,  était dans cette situation d'ignorance. C'est d'ailleurs pour cette raison que le procureur chef lui demande de diriger cette enquête, il est certes le moins expérimenté mais c'est le seul dont on sait qu'il n'a rien commis de prés ou de loin durant les années de guerre Cette enquête dans laquelle il se lance c'est d'abord son apprentissage, sa découverte de l'horreur au fur et à mesure qu'il reçoit le témoignage des rescapés. Il finit par être terrassé lorsqu'il mesure l'ampleur du crime et l'implication le la quasi totalité du monde adulte , découvrant notamment à cette occasion que son père fut membre du parti nazi. Ce parcours personnel totalement fictionnel résume toute la difficulté de la société allemande à assumer ses responsabilités. La démocratie allemande qui ne pouvait pas se construire en occultant la réalité de ses crimes va vivre  une page importante de sa jeune histoire, c'est le grand mérite de ce film de nous le raconter.
 Comme le racontait le livre de Neil Bascomb, la traque d'Eichman, cette situation d'ignorance concernait toute la jeunesse européenne des années 50 . Ajoutée à la résurgence d'actes antisémites cela  avait poussé le premier ministre israélien David Ben Gourion à se lancer dans la traque des criminels nazis  qui aboutit à l'arrestation de Adolf Eichmann et à son procès  en 1961, alors que jusque là , le jeune Etat d'Israël était trop préoccupé à assurer sa sécurité . Histoire passionnante dont le film fait écho puisqu'elle a lieu à la même époque et que le procureur en chef  Fritz Bauer , personnage central du film et qui ne doit rien à la fiction soutient  les agents israéliens dans leur mission bien que les deux pays n'aient pas alors de relation diplomatique.
Un film pas très excitant au niveau cinématographique mais qui se révèle passionnant par son récit .

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